Economie

Science

Colonnes et chapiteaux romains, murs d'enceinte du XIIe siècle, céramiques et monnaies islamiques, la capitale marocaine découvre son passé enfoui dans les sables à l'occasion de vastes travaux de réhabilitation de sa façade maritime. ""Nous avons fait des trouvailles fantastiques non seulement pour l'histoire de Rabat mais pour celle du royaume"", affirme, enthousiaste, l'archéologue et historien Mohamed Essemmar, 43 ans, qui chapeaute le département du patrimoine de l'Agence pour l'aménagement de la vallée du Bouregreg, un cours d'eau entre les villes jumelles de Rabat et Salé.
Sur un terrain de 2.500 m2, il montre sa plus belle découverte: collé à la casbah des Oudayas, le mur d'enceinte du ""Ribat (camp militaire) Tachfin"" datant du XIIe siècle et achevé sous le bref règne (1143-1145) du troisième roi almoravide, Tachfin ben Ali.
C'est au cours de fouilles menées en novembre et décembre 2006 qu'ont été dégagées la base de la muraille, deux tours d'angle et une tour centrale de ce ""ribat"".
""Les textes anciens mentionnaient son existence mais nous ignorions son emplacement, car à l'issue de farouches batailles, le fondateur de la dynastie almohade Abdelmoumen ben Ali (1130-1163) avait rasé ce ribat pour construire la casbah des Oudayas"", explique-t-il.
""C'est formidable car, en dehors de Marrakech, les vestiges almoravides sont très rares"", souligne ce titulaire d'un doctorat d'archéologie de la Sorbonne et d'une thèse d'histoire de l'université de Rabat.
Mais les surprises ne s'arrêtent pas là: les archéologues ont mis au jour une salle qui devait servir d'armurerie et surtout, fin 2006, un passage avec des arcs datant du XVIIe siècle et reliant la rue des Consuls, célèbre artère commerçante de la Médina, à la façade maritime de Rabat.
Ces fouilles, qui ont coûté près de 110.000 euros financés par l'Agence, ont bouleversé les plans initiaux d'aménagement: ""Pour la première fois, aménageurs et archéologues sont sur la même longueur d'onde. Mes collègues urbanistes et architectes ont changé leurs plans pour restituer l'histoire"", note-t-il avec amusement.
Les travaux pour redonner à cette voie son aspect du début de la dynastie alaouite fondée par Moulay Cherif (1631-1636), ancêtre du roi actuel Mohammed VI, commenceront début mars.
Le projet d'aménagement de l'estuaire du Bouregreg a débuté en janvier 2006. Subdivisé en six phases, il consiste à réhabiliter et transformer les deux berges en véritables pôles touristiques et urbains. Etablis en partenariat avec des sociétés émiraties, les investissements pour les deux premières tranches se montent à 2,75 milliards de dollars.
En juillet, Mohamed Essemmar a été réveillé en pleine nuit par des ouvriers qui venaient de découvrir dans le bras de mer trois grandes colonnes de marbre romaines avec des chapiteaux.
""Le fleuve possède dans son ventre des centaines de trésors, et quand nous le draguerons, nous ferons de sacrées découvertes, car avec ses 2.500 ans d'histoire, c'est un vrai musée archéologique"", souligne-t-il.
Un richesse archéologique qui impose selon le responsable de l'information de l'Agence, Omar Benslimane, d'allier efficacité et patrimoine. ""C'est un chantier que nous devons mener à bien, mais on tombera sûrement sur d'autres vestiges. Nous suspendrons alors les travaux pour commander une expertise archéologique"".
""Nous ferons des fouilles de sauvetage. Si nous trouvons que c'est important nous changerons nos plans. Ce qui est est certain, c'est que rien ne sera plus négligé comme avant"", assure-t-il.