La Roumanie et la Bulgarie, qui entrent le 1er janvier dans l'Union européenne, figurent parmi les 11 pays constituant, selon l'Onu, la principale source de trafics d'êtres humains.
Anca, une Roumaine de 20 ans, a longtemps pensé que les filles qui parlaient à la télévision de leur calvaire comme ""esclaves sexuelles"" en Europe de l'Ouest étaient des mythomanes, payées par les chaînes pour faire monter l'audimat.
Mais un jour elle a répondu à l'invitation d'une de ses amies installée en Allemagne qui disait lui avoir trouvé un travail près de Hambourg.
A son arrivée, des ""amis"" lui ont pris son passeport. Sans papiers, sous haute surveillance, elle a été contrainte par ses ""protecteurs"" de se prostituer. Trois mois plus tard, elle a réussi à s'enfuir et à se réfugier dans un commissariat de police.
""L'amie qui m'avait invitée a payé sa liberté en acceptant de faire venir deux autres filles de Roumanie"", explique Anca.
Bucarest et Sofia, nouvelles venues dans l'Union, se sont engagées à combattre le trafic d'êtres humains et le trafic de drogue, des fléaux endémiques sur les rives de la mer Noire.
UN PH NOMENE QUI RISQUE DE S'ACCENTUER Chaque année, des milliers de femmes comme Anca, parfois à peine âgée de 13 ans, soit kidnappées, soit trompées par des promesses de mariage ou de travail bien rémunéré, sont vendues à des bandes de proxénètes qui les enferment dans des night-clubs, des maisons de passe ou bien les jettent sur le trottoir des grandes villes d'Europe de l'Ouest.
Pour certains spécialistes du dossier, la situation risque même d'empirer après l'entrée des deux pays dans l'Union, l'accès aux autres Etats membres étant alors grandement facilité.
""Je suis persuadée que le nombre de femmes ainsi exploitées va encore grandir"", estime Gina-Maria Stoian, directrice de la Fondation Adpare, une association roumaine qui vient en aide aux victimes. ""On constate déjà un tourisme sexuel autour de la mer Noire."" D'autres pays de la région, comme la Moldavie et l'Ukraine, sont des terres bénies pour le crime organisé et toutes sortes de trafics illégaux.
La pauvreté et les désillusions devant la lenteur des réformes après l'effondrement du communisme contribuent à alimenter l'activité des mafias locales.
""Il y a la pauvreté, les familles éclatées, une mentalité spéciale. Les filles n'ont aucune attache, aucun amour-propre"", explique Iana Matei, qui dirige ""Tendre la main"", un organisme caritatif roumain qui vient en aide aux jeunes femmes.
""Les trafiquants recherchent maintenant des filles de 13 ou 14 ans. Elles sont plus faciles à contrôler. On les forme, on leur lave le cerveau. Elles n'attendent pas grand chose de la police, du système. Et elles espèrent se faire de l'argent et gagner leur indépendance"", dit-elle.
DES FILLES DE 13 OU 14 ANS La géographie pose aussi un problème. La Bulgarie et la Roumanie sont sur la ""route des Balkans"" du trafic d'héroïne en provenance d'Afghanistan. Au total, 80% de l'héroïne venant d'Afghanistan emprunte cette voie pour gagner l'Occident.
""La Roumanie sera la dernière frontière, la dernière barrière de l'UE"", dit Cristian Duta, du Centre SECI de Bucarest, qui milite pour une coopération internationale dans la lutte contre le crime organisé. ""Elle sera la première étape pour quiconque veut entrer dans l'Union."" Les gouvernements de Bucarest et de Sofia assurent faire tout leur possible pour combattre les trafics.
Bruxelles a félicité la Roumanie, qui a renforcé ses contrôles aux frontières et la lutte contre la corruption, mais reste sceptique sur les efforts menés par la Bulgarie.
""Nos frontières sont sûres à 100%"", affirme Dumitru Licsandru, qui dirige à Bucarest les services de lutte contre le trafic d'êtres humains.
Selon lui, 1.400 victimes roumaines de ces trafics - exploitation sexuelle et travail forcé, notamment - ont été recensées durant les neuf premiers mois de 2006, ce qui a conduit à l'arrestation de 200 personnes.
L'unité du ministère de l'Intérieur bulgare chargée de la lutte contre le crime organisé affirme que 4.000 ou 5.000 femmes sont victimes de ce genre de trafic chaque année.
""Nous ne pouvons pas nier le problème mais les chiffres sont en baisse par rapport aux années précédentes"", déclare la porte-parole du ministère de l'Intérieur, Katya Ilieva.
Mais pour la plupart des spécialistes, les chiffres officiels ne révèlent que la partie émergée de l'iceberg.