La date des fêtes et des grandes manifestations religieuses dépend, en islam, du calendrier lunaire. Il est alors de coutume de déterminer, du haut d’un observatoire, le début des lunaisons en fonction de la vision, après le crépuscule, du croissant, du côté du couchant. Le calendrier lunaire se base alors sur la vue oculaire directe. Scruter l’horizon pour apercevoir le croissant s’effectue normalement en terre d’islam, comme c’est le cas en Arabie Saoudite, par des bénévoles ou des commissions spécialisées. Celles-ci doivent communiquer le résultat de leurs observations au légiste, seul juge habilité à proclamer officiellement le début du nouveau mois, surtout s’il s’agit des mois de ramadan, de chawal ou de dhou al-hijja. Certains pays, comme la Turquie, adoptent le calcul astronomique pour établir leur calendrier. Mais il n’est pas rare que le résultat obtenu chez les premiers ne concorde point avec celui des seconds, d’où des difficultés, dans beaucoup de pays musulmans, à déterminer le début du mois lunaire, spécialement du ramadan, allant quelquefois jusqu’à trois jours de différence. De nombreux congrès se sont alors tenus, dans le but de normaliser le début des lunaisons. L’un des plus importants fut celui convoqué par l’organisation de la Conférence islamique, qui s’est tenu à Istanbul du 28 au 30 novembre 1978. Se basant alors sur les apports en la matière des spécialistes en astronomie et en sciences islamiques, le congrès a établi les règles majeures suivantes :
1. Qu’elle soit effectuée à l’œil nue, ou par le biais d’instruments scientifiques d’observation, la vision reste toujours indispensable.
2. La décision attestant la fin d’une lunaison, de ceux qui adoptent le calcul astronomique, ne peut être légalement avalisée que si elle se base sur la présence effective du croissant après le crépuscule, à l’horizon, de sorte qu’il soit visible à l’œil s’il n’y a aucun empêchement.
3. Deux conditions fondamentales sont requises pour que la vision du croissant soit possible.
a. La distance angulaire entre le soleil et la lune ne doit être inférieure à 8 degrés, sachant que la vison commence à être possible entre 7 et 8 degrés, mais il a été convenu d’adopter 8° par mesure de précaution.
b. L’angle d’élévation de la lune par rapport à l’horizon ne doit pas, au couchant, être inférieur à 5 degrés. C’est la condition sine qua non pour que le croissant soit visible à l’œil nu dans les conditions normales.

De nombreux congrès se sont tenus pour l’unification du début des lunaisons dans les pays européens. On compte le congrès des savants en théologie et en astronomie tenu à Londres en 1984, celui des astronomes, traitant du calendrier lunaire de l’hégire tenu à Washington en 1987, et celui des centres et organisations islamiques en Allemagne, traitant de la vision du croissant et celui de l’unification du calendrier lunaire et des fêtes tenu à Cologne le 10/1/93. La dernière décision en date fut celle du Conseil européen du « ifta`» (jurisprudence ) et de recherches qui a tenu la troisième session de ses assises à Cologne du 19 au 23/5/1999. Tous ces congrès ont été unanimes pour adopter la vision oculaire, à condition qu’elle ne soit pas en opposition avec les calculs astronomiques. Les savants réfutant l’adoption du calcul astronomique pour déterminer le début des mois s’appuient sur le hadith où le prophète dit : « Jeûnez quand vous le verrez, et déjeunez quand vous le verrez, et si jamais il vous est voilé, achevez les trente jours de cha’bâne » . Ils mettent en avant aussi leur méfiance vis-à-vis du calcul des astronomes, alléguant la fluctuation de leurs calculs quant à la détermination du début des mois. Les autres nombreux savants, qui sont pour l’adoption du calcul, trouvent que l’astronomie a évolué à tel point qu’elle est capable d’établir des calculs infaillibles. Ils penchent alors vers une autre interprétation du hadith : « Jeûnez quand vous le verrez, et déjeunez quand vous le verrez, et si jamais il vous est voilé, évaluez-le ! » C’est-à-dire évaluez le nombre de jours restant en calculant les phases de la lune. Les calculs astronomiques sont d’une grande précision, et permettent de déterminer le moment de la naissance de la lune à la seconde près. Il est fort possible qu’ils soient d’un grand secours aux juges, pour mieux départager les témoignages qui leur sont soumis. Les savants sont unanimes : on ne peut attester que d’un fait possible, concret, intelligible et théologiquement légal. Ils ont aussi déclaré que le témoignage ne peut être validé s’il s’oppose à la réalité concrète, comme il ne peut être considéré dans un jugement s’il est associé à des comportements réels le mettant en doute comme le mensonge ou l’illusion.


* Mohamed Hawari est Correspondant du Conseil de jurisprudence musulmane à la Meque, membre du Conseil Européen de l'Iftae