Selon l’enquête menée par l'institut CSA sur la place du sexe dans les grandes religions présentes sur le territoire Pour près des deux tiers des Français (72 %), l’islam est jugé le plus "répressif" dans ses prescriptions sexuelles. Il passe pour l'ennemi du plaisir : 63 % des personnes sondées estiment que, dans l'islam, le plaisir n'a aucune "valeur positive". De nouveau les clichés véhiculés par nos concitoyens sur l’islam et les populations de cultures musulmanes révèlent le fossé entre la réalité et l’imaginaire régulièrement entretenu par des affaires marginales médiatisées à outrance. Un peu de respect pour ces musulmans qui désirent vivre en paix et en sérénité dans leur pays, la France. Allons nous vivre avec l’affaire de la viande halal à Villefranche-sur-Saône (Rhône) une seconde affaire du foulard ? Le citoyen qui vit dans les quartiers populaires et qui se bat afin d’améliorer son quotidien social et économique, veut-il être identifié comme musulman quand il cherche un emploi, un travail ou quand il se préoccupe de la réussite scolaire et sociale de ses enfants ? Sa religion est-elle la source de ses difficultés et de l’échec de son intégration ? Son islam est-il un islam de chancellerie qui se trame au sein des officines diplomatiques des pays d’origine ou bien est-il un islam maîtrisé par l’Etat français qui manie à bien la reconnaissance du culte musulman, la surveillance du fait musulman et la coopération internationale en matière de luttes contres les radicalismes, ou est-il un islam nourri par l’idéologie des mouvements politico-religieux musulmans ou par celle puriste de certains mouvements religieux radicaux? Ou encore celui de ceux qui désirent l’historiser, le réformer, le réadapter, le libérer de « ses mythes et de ses archaïsmes » ou tout simplement un islam qu’il vit en privé comme tout citoyen croyant en quelque chose ?

Quelle place dans ce vacarme pour ce citoyen que rien ne diffère si ce n’est sa couleur de peau, son nom et son origine ; dira-t-on c’est déjà beaucoup ; nous répondons en nous questionnant : sa culture, ses moeurs, son vécu aujourd’hui ne sont-ils pas le résultat des dynamiques qui secouent la société française très diversifiée et qui elle-même, soumise à la mondialisation, est devenue poreuse aux nouvelles expressions politiques, sociales, économiques et culturelles ?

Le citoyen des quartiers populaires est soumis, subit et réagit aux mêmes dispositifs économiques, politiques, culturels, sociaux et éducatifs… Il est diversifié dans ses positions religieuses, politiques, culturelles comme n’importe quel citoyen. Ce qui le différencie c’est qu’il subit un taux de chômage qui peut dépasser les 50% alors que la moyenne nationale est inférieure à 10%, vit dans un parc immobilier dégradé, séjourne dans des quartiers déshumanisés, ne bénéficie pas des mêmes avantages de représentation culturelle, éducative, pédagogique et médiatique que le reste des Français. Son handicap est de se retrouver dans des zones mal perçues qui concentrent les peurs du citoyen français, des lieux tant stigmatisés qu’ils sont aujourd’hui désignés comme des lieux d’insécurité, de criminalité, de drogues, de raquettes, de violences contre les femmes... Si nous comparons les moyens financiers et humains dont disposent ses quartiers défavorisés avec le reste de la France, nous déduirons facilement que ces lieux marginalisés devraient être des lieux de révoltes continues, ce qui n’est pas le cas, nous sous-estimons de beaucoup l’esprit légaliste de ces quartiers et le contrôle social qui s’y effectue et nous fantasmons trop sur les moyens financiers et humains que nous engageons dans ces quartiers laissés à l’abandon. Nous pouvons retarder l’implosion par des dispositifs de communication ou de saupoudrage médiatique, mais jusqu'à quand la patience et la retenue seront maintenues ? Les personnes qui vivent dans ces quartiers ne perçoivent pas des changements dans leur quotidien, au contraire elles reçoivent avec plus d’humiliation les images qu’on transmet d’elles, leur patience s’amenuise de plus en plus, les dispositifs sécuritaires sans politique sociale visible ne fera qu’exacerber les esprits.

Nous commençons à percevoir des dérives qui veulent traiter les questions des discriminations à travers l’aspect religieux et identitaire, la République doit assumer pleinement ses principes de séparation entre les Eglises et l’Etat, elle doit également respecter les principes d’égalité entre tous les citoyens et doit assumer le devoir de la solidarité avec les moins favorisés. Si les différents rapports et études parlent de l’échec de l’intégration, cet échec n’est pas compris par les populations qu’on désigne, ces dernières ressentent plutôt un échec dans les politiques sociales, d’aménagement des territoires et du système scolaire au sein des zones les plus fragilisées. Ce n’est pas une structure bis des musulmans qui résoudra les problèmes ni une meilleure formation des imams qui enrayera le mal des quartiers, ni l’obligation des enfants à manger de la viande dans les cantines scolaires qui réduira l’échec scolaire, mais plutôt un traitement équitable et une politique volontariste sociale et économique de rattrapage du temps perdu et d’un laisser-aller qui est urgent aujourd’hui.

La question musulmane est nouvelle dans l’espace public français, nous ne pouvons lui attribuer nos malheurs ; vouloir résoudre les problèmes des zones fragilisées à travers la question religieuse c’est faire un faux pas dans l’appréciation des problèmes.
S’il y a lutte contre les discriminations, elle devra se faire avec les acteurs du terrain qui vivent ces questions dans leurs quartiers et non pas avec des privilégiés du système qui n’ont plus ou pas de liens avec ces quartiers et qu’on veut de nouveau utiliser comme ascenseur social et politique, c’est le risque encouru d’un second échec dans la gestion des milieux et espaces défavorisés.

Hakim EL ghissassi