La municipalité de Rotterdam, Pays Bas, a débloqué 500 000 euros pour l'organisation de débats internes aux communautés marocaines, turques et somaliennes et des débats publics pour la préparation d’une conférence internationale qui aura lieu en 2005. Les travaux seront conclus par la présentation d’une charte civile. Le premier débat interne à la communauté marocaine a eu lieu le 2 octobre, il a démontré que les marocains de Rotterdam se considèrent comme des citoyens a part entière et participent à la vie économique, politique sociale et culturelle de la cité. Il a ainsi rejeté les généralisation faite sur la non intégration de ces populations tout en concluant qu’il y a des effort à faire pour une meilleure compréhension mutuelle entre les différentes composantes de la société rotterdamoise dans le respect des spécificités. Cette question dépasse la ville de Rotterdam, elle est posée aujourd’hui à l’ensemble des musulmans d’Europe. Ci-dessous le résumé des travaux préparatifs de ces débats qui s’annoncent très chaud.

Islam et Intégration, présentation du projet



La forte migration a conduit à une diminution de la cohésion sociale à Rotterdam. Il n'est pas aisé de restaurer cette cohésion sociale. En tous cas, la municipalité ne peut pas seule mener cette tâche à bien. Plus encore : le rôle décisif appartient dans la partie aux citoyens. C'est en effet aux citoyens de discerner, obtenir, utiliser les possibilités de s'ouvrir aux contacts en dehors de leur groupe ou communauté propre. Aux citoyens d'apprendre à développer une attitude constructive face à la société moderne et à l'hétérogénéité de leur rue, de leur quartier, de leur ville. C'est pourquoi tous les efforts investis en faveur de l'intégration sociale visent à la stimulation d'une participation citoyenne active de tous les groupes de population.

Pour pouvoir stimuler l'intégration sociale et la participation citoyenne dans la ville il importe que les habitants soient sufisamment équipés pour prendre part de façon autonome à la vie communautaire. Il est également important de distinguer ce qui, dans l'optique des groupes de population différents de Rotterdam, est considéré comme les principaux obstacles à l'intégration. Qu'en pensent la population autochtone de Rotterdam? Qu'en pensent les habitants de Rotterdam d'origine étrangère? Qu'attendent-ils de chacun? Quelles sont, à leur avis, les questions sociales essentielles? Quels phénomènes sociaux dérangent-ils le plus l'idéal d'intégration sociale?

L'une des questions agitée en permanence et de multiples façons – dans les médias, sur internet, etc. - concerne l'islam et, en particulier, la question de savoir dans quelle mesure (la pratique de) cette religion limite ou favorise l'intégration sociale.
La représentation mutuelle entre musulmans et non-musulmans semble constituer une sérieuse entrave en la matière. Un autre thème récurrent est celui du lien (présumé?) entre religion et culture chez les musulmans.
Jusqu'ici, ces questions sont souvent débattues de façon sinon sournoise, du moins sauvage et sans aucune structure. Ce qui ne travaile pas à la création d'un climat de compréhension mutuelle et de conditions propices à l'intégration des musulmans dans notre société.
La tolérance ne peut ni fleurir ni se développer au milieu des tabous.
Une discussion large et ouverte sur cette thématique serait utile à l'intégration et à la compréhension mutuelle entre les groupes de population en œuvrant à la dissipation des peurs, des malentendus et des préjugés réciproques installés de part et d'autre.

Il importe donc, dans l'intérêt de la cohésion sociale à Rotterdam, que les musulmans et les non-musulmans développent une optique commune sur l'intégration sociale, afin aussi de stimuler la participation citoyenne de tous et un sentiment d'appartenance partagé sur la base d'un ensemble commun de valeurs et de normes.


C'est pourquoi le plan Islam et intégration vise les résultats/objectifs suivants:

1 - Identification et formulation des points d'achoppement entre islam et intégration.
2 - Discussion au sein de la communauté musulmane de Rotterdam sur l'attitude à adopter face à la société moderne de Rotterdam.
3 - Discussion au sein de la communauté non-musulmane sur l'attitude à adopter devant le développement d'une religion nouvelle pour Rotterdam
4 - Il serait bien que les travaux débouchent sur une sorte de "Charte civique" qui donnerait fond et forme à une nouvelle manière d'être ensemble entre musulmans et non-musulmans à Rotterdam. Et pourrait servir de modèle au niveau national et international pour la manière dont les musulmans et non-musulmans peuvent ensemble donner forme au monde moderne.

Les rencontres d'experts



25 rencontres d'experts ont été organisées dans l'objectif de dégager les thèmes essentiels. Les différents points d'achoppement ont été débattus et discutés au cours de ces rencontres, afin d'identifier les véritables obstacles à la cohésion sociale et à l'intégration.
Les “experts” ont été invités à se prononcer sur un nombre très varié de sujets en rapport avec la cohésion sociale:

Les rencontres d'experts réunissaient les groupes suivants:
• spécialistes au niveau urbain et aux niveaux national et international;
• responsables politiques municipaux et nationaux;
• organisations autonomes;
• imams (trois ‘groupes linguistiques’);
• jeunes; étudiants et professeurs (musulmans);
• femmes/musulmanes;
• membres de la population autochtone de Rotterdam, en lien avec les organisations de quartier, p.e.;
• travailleurs du secteur socio-culturel; décideurs (musulmans);
• agents de proximité

Résultats des rencontres d'experts sur les thèmes urgents



Sélection représentative d'une centaine d'opinions, d'observations, de centres d'intérêt, de problèmes et de solutions.

Chapitre 1: Nous et Eux
• Le sentiment d'identité de groupe ("grégarité") est sérieusement atteint.
• Bipolarisation accrue du mode de pensée (blanc et noir).
• Les musulmans ne se sentent pas/plus bienvenus
• Peur du changement chez les musulmans et les non-musulmans

Chapitre 2: Normes et valeurs
• La parité entre femme et homme n'est pas toujours respectée
• Acceptation de l'autre fait défaut
• Relation parents/enfants en conflit avec les normes néerlandaises
• Le seuil de tolérance baisse
• Rapport à la démocratie dans un pays non-musulman

Chapitre 3: L'islam en tant que religion à Rotterdam
• “L'islam n'a pas l'intermédiaire d'une église mais d'un érudit (Maître du Coran). Les musulmans sont dépendants de quelques érudits”.
• “On ne peut pas transformer l'islam, mais le musulman”.
• Pratiquer sa religion dans une ville non-musulmane demande une certaine adaptation; l'islam traditionnel n'a pas sa place à Rotterdam.
• Le manque de connaissances par rapport à l'islam ne vaut pas que pour les non-musulmans, mais pour les musulmans aussi
• Défaut de débat ouvert interne; manque d'autocritique de la part des musulmans
• Les mosquées se ferment, se coupent de leur environnement; mosquées et imams prennent l'islam en otage
• Les femmes n'ont (pratiquement) pas de place digne dans les mosquées
• Nécessité d'une séparation entre l'église et l'état
• Les imams ne connaissent bien ni la communauté autochtone ni la communauté allochtone. Ils ne parlent pas néerlandais
• Le lien avec l'islam est plus fort pour les musulmans que le sentiment de leur responsabilité à l'égard de la société de Rotterdam
• On constate un mouvement plus libéral chez les jeunes musulmans. Les jeunes font leurs propres analyses et donnent leurs propres interprétations du Coran.
• Il y a pourtant des jeunes qui sont sensibles aux courants conservateurs et mêmes fondamentalistes.

Chapitre 4: Position de la femme musulmane
• Connaissance lacunaire de la langue néerlandaise
• Rôle des Imams (par leurs prêches)
• Oppression des femmes
• Position dominante des hommes
• Pression communautaire et contrôle social obstacles au déploiement de la femme
• Partenaire du pays d'origine

Chapitre 5: Organisations autonomes
• Les organisations autonomes n'ont pas de bon contact avec les groupes auxquels ils sont censés s'adresser. Ils évitent la discussion avec leur ‘base’ sur les questions graves.
• La représentation des femmes au sein des organisations autonomes est quasi nulle, comment pourraient-elles avoir quelque influence?
• Les responsables de ces organisations ont déjà assez de mal à s'en sortir dans cette société, comment pourraient-ils aider les autres? La mise en place de réseaux est aussi un gros problème pour un grand nombre d'organisations.

Chapitre 6: Situation au niveau de l'enseignement et de l'économie
• Les parents ne peuvent pas aider les enfants parce qu'ils ne maîtrisent pas suffisamment le néerlandais.
• La communication avec l'école est difficile. De ce fait, les parents prennent trop peu part aux activités pédagogiques et sont absents des associations de parents.
• La situation sur le marché de l'emploi est assez précaire pour bon nombre d'étrangers.
• Les différents groupes de population ne se mélangent pas ici, à Rotterdam. Chacun virt dans son groupe. Chacun sort avec les personnes du même groupe. Il doit y avoir un meilleure répartition à Rotterdam. Cela travaillerait en faveur de l'intégration sociale.

Chapitre 7: Médias
• Le rôle des journalistes a été sévêrement critiqué. La plupart des participants des rencontres d'experts sont d'avis que les médias se font l'écho d'opinions plutôt que de présenter des faits. Le sensationnel fait vendre, on fait de l'amusement avec les mauvaises nouvelles. Tout ce qui s'exprime dans la presse à propos de l'islam est négatif.

2.3. Résultats des rencontres d'experts sur la forme et les règles du jeu du débat



Les rencontres d'experts ont permis de clarifier, comme prévu, les opinions relatives à la nécessité et à la forme du débat, et sur le rôle des autorités. Les menaces et les risques pesant sur l'organisation du débat ont également été inventoriés.

Chapitre 8: La forme du débat
La question centrale était la suivante: “comment pouvons-nous organiser de façon fructueuse un dialogue et un débat sur l'islam dans le monde occidental, en l'occurrence, Rotterdam?”
Les points méritant l'attention :
• Peur de voir le débat dégénérer
• Peur de voir le débat prendre un aspect, un ton discriminatoire
• Sujet ultra sensible
• Les musulmans regardent le débat d'un œil critique, le voient comme une attaque (contre leur identité, leur culture)
• La séparation entre l'église et l'état : la municipalité doit bien se garder de se mêler d'affaires de religion
• Trop grande méconnaissance de part et d'autre, sur l'islam et sur (les fondements de) la communauté néerlandaise.

Chapitre 9: Le rôle des autorités
• Il faut être vigilant sur le rôle des autorités dans la discussion sur la séparation de l'église et de l'état.
• Veiller à composer un ton positif, fédérateur (non accusateur), axé sur ce qui nous lie en tant qu'habitants de Rotterdam.
Participation et intégration sont principalement affaires d'attitude, de comportement : veiller donc à rester sur ce plan.