Notre génération garde l’image du pape Jean Paul II s’adressant à la jeunesse marocaine en 1985. Devant des dizaines de milliers de marocains il s’est adressé au monde de l’islam. C’était un moment fondateur, après Vatican II, d’un dialogue respectueux entre musulmans et catholiques. Nous avons choisi après le passage de Jean-Paul II à un autre monde de présenter le travail mené par le secrétariat épiscopale pour les relations avec l'Islam (SRI) depuis 30 ans. Nous remercions le prère jean-Marie Gaudel pour sa collaboration.

Le Secrétariat pour les Relations avec l’Islam (S.R.I.) DEPUIS 30 ANS… par Jean-Marie Gaudel, secrétaire du SRI


Il nous faut bien reconnaître que nos communautés religieuses, musulmane ou chrétienne, sont faites de courants très divers dont certains cultivent le mépris et la haine de l’autre. Ce n’est pas nouveau : musulmans et chrétiens se sont opposés depuis des siècles, souvent de façon sanglante. Certains, des deux côtés, en restent là !
En même temps, des deux côtés aussi, nous voyons une multitude de personnes qui, malgré les soubresauts de l’actualité, tentent de construire un avenir plus fraternel, un monde où les religions ne serviront plus à opposer les hommes mais à les rapprocher. C’est un petit aspect de cette évolution que nous voulons décrire ici en retraçant l’histoire des liens qui se sont noués entre l’Eglise catholique et les musulmans de France.

Plus de 60 ans d’amitié
Pendant des siècles, l’Eglise en France était restée massivement majoritaire et cette situation a engendré en elle des habitudes et des attitudes autoritaires et exclusives. Du coup, beaucoup de milieux ont commencé à se détacher d’une institution aussi peu " sympathique " et, pendant les deux derniers siècles, en particulier, tout un pan de la société française s’est dressée en opposition à l’Eglise et même à la foi qu’elle représentait. Ce divorce entre l’Eglise et la Société, entre l’Eglise et l’Etat, s’est accompagné, bien sûr, de controverses et luttes, de durcissements de part et d’autre. En même temps, à l’intérieur de la communauté chrétienne, on a vu naître une évolution : on s’est remis en cause, on s’est senti appelé à retrouver les attitudes d’humilité et de pauvreté qui étaient celles de Jésus et à abandonner l’habitude de mépriser et de condamner les " autres ". Une telle " conversion " n’est jamais terminée, mais elle a réellement fait apparaître, dans les milieux chrétiens, de nouvelles initiatives.
Vers 1947, par exemple, on voit surgir à Paris une association fondée par les Pères Blancs qui s’appelle " l’Amana " et qui vise à offrir aux Nord-Africains vivant en France une amitié qui les aidera à s’habituer à la vie française : des cours d’alphabétisation, des sessions, des réunions amènent des français à rencontrer ces immigrés et, petit à petit, des réseaux d’amitié se tissent entre les individus d’abord, puis entre les familles quand celles-ci commencent à s’installer.
Un peu partout, d’ailleurs, des travailleurs immigrés découvrent, parmi leurs camarades de travail, des gens qui se disent explicitement chrétiens et engagés dans leur Eglise. Ce sont des militants de la J.O.C. (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), de l’A.C.O. (Action Catholique Ouvrière) et, parfois… des prêtres ouvriers qui, tout en étant prêtres, travaillent à l’usine. Ces chrétiens ont un regard différent sur leurs camarades musulmans : ils ne voient pas en eux, seulement, des étrangers ni des travailleurs ; ils reconnaissent aussi en eux des croyants avec lesquels on peut parler de Dieu, de prière et de toutes sortes de choses " religieuses ". Au moment même où sévit la guerre d’Algérie accompagnée de toutes les violences que l’on sait, l’amitié qui existe entre ces croyants – chrétiens et musulmans – se développe et s’approfondit. En bien des endroits, elle perdure encore entre des familles qui se connaissent depuis maintenant plusieurs générations.
Les années 70 ont vu la population musulmane de France se fixer et se diversifier : les familles ont rejoint les premiers immigrés, des enfants sont nés et ont grandi ici. Grâce à ces multiples liens d’amitié, de nouveaux contacts se sont noués entre jeunes. Dans les années 80, un bon nombre de groupes ont rassemblé des chrétiens et des musulmans pour des activités récréatives ou culturelles communes accompagnées d’un effort de réflexion croyante sur la société actuelle. Les jeunes musulmans qui participaient ainsi à ces mouvements de jeunes catholiques n’étaient pas invités à devenir chrétiens. Au contraire, les organisateurs de ces mouvements avaient donné la consigne de respecter leurs convictions religieuses et de les aider à les exprimer dans les réunions communes.

Un secrétariat pour les Relations avec l’islam (S.R.I.)
A travers le monde, un nouveau souffle passait sur l’Eglise catholique : de 1962 à 1965, un Concile avait réuni tous les évêques de la terre au Vatican. Ils avaient perçu un appel de Dieu à changer l’esprit et les structures de leur communauté. Ils avaient même voté un texte sur les autres religions où ils disaient :
L’Eglise regarde aussi avec estime les Musulmans, qui adorent le Dieu Un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers ... Si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté” .
De retour chez eux, les évêques de France se sont donc trouvés encouragés à donner plus d’ampleur à tout ce courant d’amitié et d’entraide qui passait déjà entre chrétiens et musulmans. Un peu partout, leur Service pour la Pastorale des Migrants soutenait ces rencontres informelles. En 1973, cependant, ils ont décidé de fonder un secrétariat spécial qui tâcherait de promouvoir et d’encourager l’amitié entre catholiques et musulmans. Ce fut le S.R.I. qui atteint donc maintenant sa trentième année.

A quoi sert-il ?

Il a pour mission d’aider chrétiens et musulmans à mieux se connaître et à mieux vivre ensemble.
Le SRI a donc pour première tâche de rencontrer les musulmans, les individus et les associations. La réalité musulmane en France est très diverse, traversée de courants en évolution constante. Des colloques sont organisés, des centres d’étude fonctionnent, des revues se fondent… Notre secrétariat doit donc écouter toutes ces voix, comprendre ces évolutions pour ensuite les expliquer à la communauté chrétienne.
Après avoir ainsi participé aux multiples activités de la population musulmane, le SRI tâche de former les chrétiens pour qu’ils comprennent mieux leurs voisins musulmans et qu’ils puissent les rencontrer sans trop de maladresse. Chaque année, en juillet, nous organisons une semaine de formation sur l’islam et sur le dialogue entre religions. Habituellement, ces sessions rassemblent une soixantaine de personnes, souvent des gens qui exercent des responsabilités dans l’Eglise ou dans la société.
Mais ce n’est pas assez : nous sommes souvent amenés à donner le même genre de formation dans d’autres villes de France par des week-end ou des soirées. Cela permet aussi de prendre contact avec tout ce qui se fait localement entre chrétiens et musulmans. D’ailleurs, en 1998, les évêques ont suggéré qu’en chaque région, soient nommés des personnes chargées d’impulser plus d’esprit de rencontre.
La communauté chrétienne, elle aussi, est très diverse. Elle est faite d’églises où les chrétiens se réunissent le dimanche, mais aussi de mouvements organisés pour les jeunes ou pour les adultes afin de les aider à mieux comprendre leur foi et à mieux servir leur prochain. Il y a aussi des institutions, des écoles, des services spécialisés dans les domaines culturels, artistiques ou éducatifs, des organismes de recherche et d’étude sur la foi ou les Ecritures… Notre secrétariat est souvent appelé par ces services ou ces organismes pour leur faire percevoir les convictions et les aspirations de la communauté musulmane ou les aider à s’interroger sur leur propre ouverture au dialogue et à la rencontre des autres religions.

Jean-Marie Gaudeul

SRI 71, rue de Grenelle
75017 Paris. Tel. : 01 42 22 03 23
site Internet (http://www.le-sri.com)
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Six personnes y travaillent à temps partiel dont quatre bénévoles.
Une permanence permet de répondre aux appels et de recevoir certains chercheurs ou étudiants qui viennent consulter le centre de documentation.