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Catégorie : Entretien

Le mot intégration irrite de plus en plus les populations des quartiers dits sensibles, qu’entendez-vous par intégration ?



Le contrat d’accueil et d’intégration mis en place par le gouvernement depuis l’année dernière vise à faciliter les liens du nouveau arrivant avec la terre sur laquelle il va demeurer. Le contrat d’intégration informe celui qui décide de vivre en France qu’il y a des règles à respecter, des devoirs et des droits, et que l’apprentissage du français, langue de sa terre d’accueil, est une nécessité. Par ailleurs, pour toutes les familles qui sont arrivées en général pour travailler, et pour lesquelles les conditions d’accueil n’ont pas été forcément celles qu’on pouvait imaginer, nous voulons renforcer leurs capacités collectives et individuelles d’intégration à travers plusieurs politiques publiques d’accès à la langue, aux droits, à la formation professionnelle, etc.

Dans certains quartiers il n’y a plus de mixité sociale ?


On se rend compte aujourd’hui que la mixité est d’autant plus difficile, que pratiquement tous les gens qui vivent dans certains quartiers sont étrangers ou d’origine étrangère, il y a de moins en moins de contact avec les français « de souche » parce qu’ils n’habitent plus, tous simplement, dans ces quartiers. Notre action vise à travers une politique ambitieuse de rénovation urbaine à créer de nouveau de la mixité sociale et ethnique dans les quartiers et à aider les habitants quelque soient leurs origines à accéder à l’égalité des chances, à travers l’école, la formation et l’emploi.

Quels sont les dispositifs mis en pratique ?


En matière d’accompagnement des jeunes, nous allons étendre le dispositif élaboré par l’ESSEC : « une prépa : pour quoi pas moi ? » et le mettre en place avec l’ensemble des écoles de commerce, d’ingénieurs, de gestion. Il s’agit là d’un très bon moyen de proposer aux jeunes des quartiers, un accompagnement scolaire de la seconde à la terminale, qui permet de les préparer aux concours. Ce qui m’intéresse ce n’est pas tant la réussite aux concours, même si elle est au cœur du dispositif, que l’ouverture d’esprit et la capacité de comprendre que les études supérieures ne sont pas uniquement « pour les autres ».

Les quartiers sensibles sont aujourd’hui, des quartiers déshumanisés. Comment les rendre plus humains ?


Devant le risque de désintégration républicaine dans nos quartiers, nous sommes passés avec Jean-Louis Borloo à l’action : un projet de loi de cohésion sociale sera discuté au Sénat à partir du 26 octobre et à l’Assemblée Nationale à la fin du mois de novembre. La loi devrait être en application dès le début janvier.
Un investissement énorme va se faire : 6 milliard d’euros pour reconstruire 200 000 logements et en rénover 200 000, au total 400 000 logements nouveaux seront remis à neuf dans 5 ans. Notre cible, ce sont les 150 quartiers les plus dégradés de France. Nous allons repenser l’urbanisme de ces quartiers conçus selon les concepts des années 60-70 et qui donnent l’aspect de ghettos fermés. Il faudra aérer, ouvrir, construire des logements de petite taille, ou raser complètement dans certains cas. Ce qui est essentiel, à mes yeux, c’est de changer très vite et durablement les choses.

Il y a un grand turn-over dans ces quartiers, les populations qui arrivent à s’en sortir quittent ces quartiers, ce qui les rend de plus en plus précaires et pauvres.


La plupart du temps, les villes qui ont des quartiers dits sensibles ont également de véritables difficultés financières. Avec Jean-Louis Borloo, je propose donc, dans le plan de la cohésion social, une réforme de la dotation de solidarité urbaine pour permettre aux communes les plus pauvres de disposer d’une véritable dotation en capital et pour favoriser, en définitive, l’égalité entre les villes riches et pauvres. Le budget des collectivités est alimenté par la dotation globale de fonctionnement, qui représente, en France, aujourd’hui 25 milliards d’euros. La dotation de solidarité urbaine, qui représente 630 millions d’euros, est distribuée en fonction de différents critères dont le plus impartial est le potentiel fiscal des communes. J’ai travaillé sur cette reforme pour que d’un côté le montant distribué soit plus élevé pour atteindre 1,2 milliard en 2009, et d’un autre côté, par le biais d’un coefficientage grâce auxquel nous aidons plus là où les difficultés sont les plus importantes ; afin que les villes puissent avoir les moyens d’une politique humaine autour de la rénovation urbaine. Celle-ci réussira d’autant plus que les habitants se l’approprieront. La première étape, c’est de reconstruire le quartier en travaillant sur l’activité économique et en développant les zones franches. Aujourd’hui, nous en avons 85. Notre volonté est d’aider les habitants des quartiers à s’autonomiser.

Quels sont les projets en destination des jeunes ?


Avec le plan de la cohésion sociale, nous voulons ramener de l’activité dans les quartiers. Nous nous engageons, par exemple, à mettre 800 000 jeunes en apprentissage dans les cinq ans.C’est par l’emploi que les gens retrouvent une raison d’être. Mais nous avons aussi toute une approche sur les espaces de réussites éducatives destinés aux enfants, pour éviter les décrochages scolaires. C’est un travail d’épanouissement, d’accompagnement des enfants, c’est l’égalité des chances qui sera accompagnée par une démarche de promotion des quartiers.

Comment améliorer l’image des quartiers ?


Il faut mettre en avant la réussite des quartiers dont on parle rarement, en encourageant les initiatives et opérations telles que « Talents de cités » ainsi que les réussites des zones franches. A Roubaix, par exemple, les habitants ont redynamisé le centre de la ville par la Zone Franche. Par la rénovation urbaine, par l’apport économique en montrant qu’il y a des réussites dans l’entreprise, par l’attrait des jeunes avec des programmes tel que celui l’ESSEC, par la charte de diversité pour que les entreprises aient des stratégies d’embauches qui correspondent au bassin d’emploi sur lequel elles sont implantées. Que les jeunes diplômés issus des quartiers, aient plus de facilité à trouver de l’emploi.La reforme de dotation de solidarité urbaine va changer durablement la donne. Dans la loi de finances, l’article 40 permet de distribuer une sorte de subvention de solidarité aux communes les plus en difficultés, les bonnes années en distribuant 25 millions d’euros, mais avec la réforme de la DSU, on distribuera 120 millions d’euros par an. C’est un effort massif en direction de ces quartiers.

Qu’est ce que vous pouvez apporter au Maroc ?


Je vais voir le travail fait pour la modernisation des textes de lois, ainsi que le travail remarquable sur le statut de la femme. Le problème des foyers des travailleurs migrants, c’est un sujet dont j’ai la responsabilité, la question est de voir comment faire évoluer ces foyers pour que les marocains ayant choisi de rester vivre en France vivent leur retraite dans des conditions qui soient les plus dignes possible. Parallèlement à cela nous allons travailler à renouveler la convention de partenariat de développement entre le Maroc et la direction interministérielle à la ville afin de renforcer notre coopération avec ce pays ami dans une démarche est assez proche de celle que nous mettons en œuvre en France depuis près de vingt ans en matière de politique de la ville et de développement social et urbain.

Avez vous des projets pour ces travailleurs immigrants en retraite ?


Aujourd’hui, quand ils sont encore dans les foyers, ils sont, à plusieurs, dans des chambres exiguës. Le projet est de voir comment on peut avoir des cités proches des maisons de retraites, comment rendre les lieux dans lesquels ils logent des lieux plus accueillants, plus agréables.

Certains immigrants en retraite ont peur en quittant la France de perdre leur titre des séjours en France et les avantages en matière de santé, quelle est votre politique en vers ces retraités ?


C’est l’un des sujets du séminaire de Rabat organisé par le Haut Conseil à l’Intégration. Il est temps que la France montre la reconnaissance et l’intérêt qu’elle a pour ces populations qui ont participé à sa libération et à sa construction.

Devant la montée du racisme et de l’antisémitisme comment construire le vivre ensemble ?


C’est un fléau qui préoccupe les autorités françaises au plus haut niveau. Le gouvernement agit sur tous les fronts dans ce domaine : renforcement de l’arsenal juridique, aggravation des peines pour les auteurs de ces délits et de ces crimes, mais aussi campagnes nationales d’information et de sensibilisation, relayées par le mouvement associatif, notamment en direction des jeunes. Dans ce domaine il faut rester vigilant en permanence et agir à la fois sur l’immédiat en aidant les victimes et en punissant les coupables, et sur le long terme en luttant contre le terreau de misère et d’ignorance qui favorise ces idées et ces comportements.

Propos recueillis par Hakim el Ghissassi
source : L'economiste 15.09.04