Le journaliste turc d'origine arménienne Hrant Dink a été tué par un homme armé vendredi à l'entrée de la rédaction de son journal à Istanbul, a annoncé la police turque.
Quelques heures seulement après que le journaliste a été abattu par deux balles dans la tête, des milliers de personnes ont manifesté dans la rue animée où a eu lieu l'assassinat. Bloquant la circulation, ils brandissaient des affiches à l'effigie de M. Dink et scandaient des slogans pour la liberté d'expression.
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan s'est adressé à la nation par deux fois vendredi pour condamner ce crime qui visait, selon lui, l'unité du pays, sans que l'on connaisse encore les circonstances exactes qui l'ont entouré. Il a juré de retrouver ses auteurs. Tard vendredi, le gouverneur d'Istanbul a annoncé que trois personnes avaient été arrêtées, a rapporté la chaîne de télévision CNN-Turk, sans fournir de plus amples détails.
""Une fois encore, de sombres mains ont choisi notre pays et fait couler le sang à Istanbul pour parvenir à leurs fins"", a déclaré M.
Erdogan devant la presse, précisant avoir confié l'affaire à deux hauts responsables du ministère de la Justice qui se rendaient sur place depuis Ankara.
Le corps du journaliste, recouvert d'un drap blanc, gisait devant l'entrée du journal. Selon la chaîne NTV, il a été atteint de deux balles dans la tête.
L'une des voix les plus influentes de la communauté arménienne, Hrant Dink, 53 ans, avait été poursuivi en justice à plusieurs reprises en Turquie pour avoir évoqué le massacre d'un million et demi d'Arméniens par les Turcs entre 1915 et 1917, un génocide non reconnu par son pays. Il avait reçu des menaces de mort de nationalistes le considérant comme un traître.
Rédacteur en chef du journal bilingue turc-arménien ""Agos"", Hrant Dink était une personnalité publique connue en Turquie. Dans un entretien à l'Associated Press, il avait pleuré en évoquant la haine que lui vouaient certains de ses compatriotes, expliquant qu'il ne pouvait pas demeurer dans un pays où l'on ne voulait pas de lui.
""Je vis avec des Turcs dans ce pays"", expliquait-il en évoquant les procès qui l'attendaient. ""Je ne crois pas que je pourrais y vivre avec l'identité de quelqu'un qui les a insultés (...) si je ne parviens pas à un résultat positif, il sera préférable pour moi de quitter le pays."" ""La mémoire de mon ordinateur est remplie de phrases pleines de haine et de menaces"", écrivait-il dans sa dernière chronique pour ""Agos"". ""Je ressemble à un pigeon (...) je regarde à la ronde à gauche, à droite, devant, derrière. Ma tête est très active."" ""Pour moi, 2007 sera certainement une année difficile"", prédisait-il encore dans ce même papier. ""Les procès vont continuer et de nouveaux vont s'ouvrir. Qui sait quelles nouvelles injustices vont surgir."" Fehmi Koru, éditorialiste du journal ""Yeni Safak"" a estimé que son meurtre visait à déstabiliser le pays. ""Sa perte est une perte pour la Turquie"", a-t-il dit alors que l'assassinat, qualifié de honteux par les chaînes CNN-Turk et NTV, était publiquement condamné par des dizaines d'autres journalistes turcs. AP