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Catégorie : Actualité
La publication par le Pentagone de la liste des prisonniers de Guantanamo confirme, selon des experts, qu'il s'agit surtout de sous-fifres, de sympathisants talibans voire de parfaits inconnus, sans grande valeur dans la "guerre contre la terreur".

En rendant publics mercredi les noms des 558 personnes qui sont ou ont été détenues sur la base américaine de Cuba, l'administration américaine a permis de constater qu'elle ne comprend aucune figure d'Al Qaïda, d'un groupe terroriste islamiste connu ou de l'ancien régime taliban, au pouvoir en Afghanistan jusqu'en 2001.

"C'est n'importe quoi. Guantanamo est un immense échec" assure le chercheur français Olivier Roy, spécialiste de l'Asie centrale. "Même indépendamment de la question du droit international, c'est gars là ne savent rien. Et de toutes façons, même ceux qui savaient un petit peu, au bout de quatre ans que voulez-vous que leurs informations valent ?" Parmi les 125 Afghans figurant sur la liste, certains ne sont identifiés que par un seul nom ("Hafizullah", "Nasibullah" ou "Sharbat").

"Comme il y a par définition beaucoup d'homonymie en Afghanistan et au Pakistan, plein de mecs ont été arrêtés parce qu'ils portaient le nom d'un autre gars" estime Olivier Roy.

"Les Américains ne savent pas exactement qui ils détiennent à Guantanamo.

Des tas ont été tout simplement vendus: les Pakistanais ont piqué au hasard des étrangers, un peu n'importe où. Les Afghans ont fait pareil: chaque fois que les gars de l'Alliance du nord capturaient un étranger, ils le livraient en disant +c'est un Al Qaïda+. Et les Américains donnaient 500 ou mille dollars.

C'était devenu le sport national. Comme en plus ils détestaient ces volontaires étrangers, c'était tout bénef".

Pour l'Américain Tom Malinowski, du bureau de Washington de l'ONG Human Rights Watch, "plus on en apprend sur ces prisonniers, plus des failles apparaissent dans la version donnée par le président (Bush) d'un combat âpre et triomphant contre Al Qaïda".

"Une majorité d'entre eux ont été livrés par le Pakistan (souvent contre récompense). Peu de +combattants+ sont même accusés d'avoir combattu.

Nombreux sont ceux qui sont détenus uniquement parce qu'ils vivaient dans une maison associée aux talibans ou parce qu'ils travaillaient pour une organisation humanitaire liée à ce groupe".

Interrogé récemment par l'hebdomadaire américain "National Journal" Michael Scheuer, ancien chef de "l'unité ben Laden" au sein de la CIA, a estimé qu'il s'agissait au mieux que d'hommes de rang des talibans, "qui ne savent absolument rien sur le terrorisme. Il est absolument certain que nous n'avons pas capturés les bonnes personnes".

De passage à Paris, Sandra Hodgkinson, directrice-adjointe du bureau des crimes de guerre au Département d'Etat, a reconnu jeudi que "la seule façon de connaître le nom de ces prisonniers, qui n'avaient le plus souvent pas de papiers quand ils ont été arrêtés, c'est l'interrogatoire".

"C'est tout ce que nous avons, donc il est vrai que cette liste peut être en partie fausse".

Mais, même s'il ne s'agit pas de gros poissons, "leurs interrogatoires nous ont permis d'obtenir de bons renseignements" a-t-elle assuré à l'AFP.

"Nous avons appris des choses sur les structures d'Al Qaïda, ses mécanismes de financement, de recrutement et d'entrainement, sur leurs méthodes de voyage, leurs motivations ou sur les ONG qui lui prêtent assistance".