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Catégorie : Actualité
""Il est plus facile de savoir avec qui un collègue a couché la veille que de connaître son avis sur l'avortement"". Le mot rapporté par Antonio Pinheiro, du mouvement ""Ensemble pour la vie"", lors d'un entretien avec la presse, illustre à quel point cette question est encore tabou au Portugal.
A une semaime du référendum sur la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) du 11 février, partisans et adversaires sont au moins d'accord sur ce point: l'avortement est un sujet dont on ne parle pas.

Peur? pudeur? pressions de l'entourage? poids de l'Eglise? les explications varient, mais de fait le débat, très présent dans la presse, n'a pas vraiment gagné la rue.
Les responsables anti ou pro-dépénalisation craignent que les électeurs ne se ""réfugient"" dans une abstention semblable à celle du référendum sur le même sujet, en 1998, qui avait atteint 68%, le ""non"" l'emportant avec à peine plus de 50%.
""La question de l'IVG n'est même jamais abordé pendant les études de médecine. Les futurs médecins n'en entendent jamais parler"", a affirmé Vasco Freire, président du ""Mouvement des médecins pour le libre choix"", lors d'une rencontre avec la presse étrangère. Ce que confirme Antonio Pinheiro, également médecin, adversaire de la dépénalisation.
""A la faculté il n'y a pas d'enseignement sur les différentes méthodes possibles, sur l'accompagnement psychologique des femmes, sur la loi.
Le tabou est total"", s'indigne M. Freire.
""Si bien que les médecins sont souvent desarmés quand une femme souhaitant interrompre sa grossesse vient les voir"", ajoute-t-il.
La loi actuelle autorise l'IVG notamment en cas de danger pour la santé physique ou pshychologique de la femme et les médecins pourraient appliquer cette clause en considérant les risques pour la santé de façon très libérale, comme le font leurs collègues espagnols avec une loi semblable, mais la pression de la société sur les médecins est trop forte, assure-t-il.
""Ils manquent de formation, ils ont peur d'être montrés du doigt, de subir des représailles de la part des collègues"" explique-t-il, en espérant qu'un changement de la loi puisse changer les mentalités.
L'avortement est considéré par l'ordre des médecins comme ""une faute déontologique grave"", avec la seule exception du risque pour la vie de la mère, et les médecins qui le pratiqueraient encourent huit ans de prison.
Le terme même d'avortement n'est jamais prononcé. ""Je viens pour un petit problème"", ""un retard"", ""une affaire"", ""un pépin"", affirment les rares femmes, contraintes à la clandestinité, qui osent s'adresser à un médecin pour interrompre une grossesse, risquant elles jusqu'à trois ans de prison.
Les autres ont recours à des méthodes de bonne femme où, selon les témoignages publiés par la presse, l'aiguille à tricoter ou le persil sont encore monnaie courante, outre l'emploi de pillules contre les maux d'estomac censées interrompre les grossesses.
Partisans et adversaires de la dépénalisation peinent à mobiliser et la campagne pour le ""oui"", notamment, se fait particulièrement discrète leurs organisateurs voulant éviter de ""choquer"" les électeurs et de ""radicaliser le débat"".
Les partisans de la dépénalisation mettent esentiellement en avant la nécessité d'en finir avec les avortements clandestins, au nombre de 18.000 en 2005, selon l'Association pour le planing familial, et les dangers et l'humiliation que cela suppose pour les femmes.
Pour ses adversaires, dont notamment la très influente Eglise catholique, il s'agit de ""défendre la vie de la conception à la mort"", certains remettant en question y compris la loi actuelle qui autorise l'IVG en cas de viol, de danger pour la vie de la mère ou de risques pour sa santé et de malformation congénitale du foetus.(AFP)