Le douloureux épisode israélo-libanais de l’été 2006 est apaisé depuis deux mois. Pacification durable, ou simple trêve de circonstance ? Seul le temps pourra répondre à cette question. Mais les germes conflictuels continuent à prévaloir. Malgré des violences ponctuelles intervenues à certains endroits du Liban Sud, les bombardements ayant opposé le pays à Israël au long de l’été 2006 ont connu leur fin officielle le 14 août 2006. Cet arrêt des hostilités a certes été favorisé par l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU, trois jours plus tôt, de la résolution 1 701 qui prévoyait le déploiement d’un contingent international renforcé sur le territoire libanais. Néanmoins, les multiples zones d’ombre de ce texte, caractérisées très particulièrement par l’absence d’un mandat clair pour la FINUL renouvelée, laisse ouverte la question des perspectives durables de sortie de crise. On ne saurait bien sûr soupçonner Israël de vouloir maintenir sa présence militaire au Liban. La configuration géopolitique qui prévalait au début des années 1980 a radicalement changé, et il va de soi que, stratégiquement comme politiquement, le gouvernement du Premier ministre israélien Ehud Olmert n’a plus intérêt à tenter une occupation qui ne manquerait pas de lui être violemment reprochée par tous, à commencer par sa propre opinion publique. Néanmoins, on ne peut que constater que Tsahal a bien du mal à se retirer pleinement d’un territoire sur lequel il a le sentiment de ne pas avoir marqué suffisamment de points. Avec les événements de l’été 2006, le Hezbollah a tout simplement accru son audience sur la scène régionale. Les affiches représentant Hassan Nasrallah, secrétaire général du mouvement libanais, font maintenant partie du paysage dans bien des villes du Maghreb et du Machrek. Quant à la formation, elle revendique une santé qui tranche avec les objectifs que s’était fixés Israël en procédant à des bombardements rappelant les pires heures de la guerre « civile » de 1975-1990. L’écrasante majorité des Arabes, toutes confessions confondues, donnent ainsi l’impression d’avoir trouvé, en la personne d’un leader politico-religieux chiite, le nouveau Nasser qu’ils recherchaient depuis près de quarante ans. Il serait vain de vouloir recourir à des arguments approximatifs et tendancieux pour expliciter cette situation paradoxale. Le fait pour Hassan Nasrallah de se voir consacré, implicitement comme explicitement, par des sunnites, chiites ou encore chrétiens tout à la fois, ne saurait trouver de sens à la lumière de l’argument éprouvé d’une tentation « islamiste » des Arabes. C’est le programme politique du Hezbollah, symbolisé par sa capacité de résistance à la force de frappe de la première puissance armée de la région, et combiné au charisme de son leader, qui lui assurent aujourd’hui son aura. Parallèlement, l’objectif principal affiché par cette même formation – la libération des Fermes de Chebaa – puise ses motifs dans le droit international. On ne saurait bien entendu en déduire que l’éventuel retrait israélien de ces hameaux se verrait « récompensé » par une autodissolution automatique du Hezbollah. Mais il convient de remarquer que, si les Israéliens insistent sur le fait que la communauté internationale a pris acte de son retrait effectif de l’ensemble du territoire libanais en mai 2000, ils n’en reconnaissent pas moins que les Fermes de Chebaa ne leur appartiennent pas. Il faut aussi trancher sur la question de la cession de ce territoire qui pourrait se faire au profit de la Syrie ou du Liban, tous deux susceptibles d’être, suivant les interprétations, les détenteurs effectifs de ces terres occupées depuis juin 1967. Mais dans un cas comme dans l’autre, l’occupation israélienne reste évidemment d’actualité et participe de l’argumentaire du Hezbollah. Dans ce contexte, et malgré les non-dits de la résolution 1 701, la FINUL renforcée sera tôt ou tard confrontée à la question du désarmement du Hezbollah, avec les risques de confrontation en découlant. Or, si elle ne voit pas son mandat clarifié au mieux et au plus vite, elle prendra le risque d’être assimilée par une grande partie des opinions publiques régionales à une force de mise sous protectorat du Liban. Avec ce qui s’ensuivrait pour la stabilité du pays comme du reste de la région. Il n’est pourtant pas sûr que la propension à l’évacuation des réelles racines politiques de l’ensemble des conflits israélo-arabes vaille ce risque hypothétique pour l’heure, mais non moins très sérieusement posé.