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Catégorie : Maghreb
Une tendance au retour des cadres algériens s’est s’amorcée, en prenant de l’amplitude au fil des années. C’est la première des conclusions tirées d’une récente étude du Centre national algérien des recherches en économie appliquée (Cread). « Entre 1987 et 1998, quelque 2.000 émigrés algériens revenaient définitivement chaque année en Algérie et la tendance s’est accélérée depuis l’année 2000, se situant actuellement entre 5.000 et 6 000 » a déclaré Saïb Musette, un expert des questions migratoires, lors d’un atelier sur les relations algéro-européennes, organisé récemment à Alger sur le sujet par le Réseau intermaghrébin économie et société (Rimes). Ces chiffres, issus des statistiques des douanes algériennes, « brisent de faux mythes bien établis dans les esprits, dont celui de dire que les émigrés algériens partent pour ne jamais revenir », a-t-il relevé. Quelques cadres expatriés ont donc fait le pari de l’Algérie et sont revenus pour y investir et travailler dans les grands groupes privés et les filiales des grands groupes étrangers. Mais leur nombre reste modeste. Ceux qui viennent pour investir sont confrontés aux difficultés que rencontrent tout investisseur alors que le niveau bas des salaires par rapport à l’Europe dissuade un grand nombre de binationaux de venir travailler en Algérie. Rares sont ceux qui acceptent d’être payés 30 000 ou 50 000 dinars (300 à 500 euros). Les binationaux recherchent des contrats d’expatriés – mieux rémunérés parfois, et en partie, en devises – alors que les entreprises algériennes leurs proposent des contrats locaux. Au Maroc, le phénomène est encore plus imposant. En 2000, plus d’une personne qualifiée sur quatre quittait le pays, plaçant ainsi le royaume marocain devant la Tunisie, et bien loin devant l’Algérie en matière de « fuite des cerveaux ». Et pourtant… ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à (re)tenter leur chance au pays, donnant ainsi jour à une nouvelle génération d’ex-expatriés. Daniel Braun est le directeur général de Percall, une société française d’ingénierie informatique spécialisée dans le support technique de haut niveau. Depuis son implantation au Maroc en 2003, celle-ci emploie une cinquantaine d’ingénieurs, dont près de 80 % sont des Marocains recrutés en Europe. « Au-jourd’hui encore, nous recevons chaque semaine près de deux cents CV de Marocains résidant à l’étranger qui souhaitent intégrer notre filiale à Rabat », précise Daniel Braun. La « plus-value » de ces cadres ? Plus que le diplôme en lui-même, c’est l’expérience professionnelle à l’étranger qui est la plus prisée par les employeurs nationaux. Rentrer ou rester ? Si le retour est une décision très subjective, elle n’en demeure pas moins une question lancinante chez beaucoup de membres de la diaspora. Ces appréhensions, Abdeslam Marfouk les connaît parfaitement. Chercheur à l’Université libre de Bruxelles et à l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps), il étudie de près ce qu’on appelle communément le brain drain (la « fuite des cerveaux ») à l’échelle mondiale et travaille notamment sur les facteurs qui encouragent ce mouvement. Il est lui-même d’origine marocaine et se trouve donc au cœur du sujet. L’étude qu’il a coréalisée pour la Banque mondiale l’année dernière a montré qu’il y avait 140 000 diplômés marocains en dehors du pays en 2000, soit 13 % de l’émigration totale pour cette année-là. Des diplômés qui semblent, cependant, de mieux en mieux s’organiser et qui se regroupent en Europe pour mieux faire prévaloir leurs compétences. C’est justement l’un des projets de l’association Maroc Entrepreneurs. Créée en France en 1999 par de jeunes marocains étudiant dans des grandes écoles, elle s’enorgueillit d’un réseau de près de 4 400 membres répartis entre la France et le Maroc. Conférences et débats avec des acteurs de la vie politique et économique marocaine accompagnement et aide au financement de projets au Maroc : la thématique du « retour » est ici omniprésente. L’idéal pour ces ex-immigrés c’est de retrouver au pays des conditions de travail proches de celles qu’ils ont connues à l’étranger : culture d’entreprise occidentale et salaires relativement attractifs. Un rêve qui n’est pas toujours une réalité… (sezame n°6, novembre 2006)