C’est dans la confrontation avec le droit privé internationale que la réforme du code de la famille marocain montre ses avancées et ses lacunes. Diverses questions interpellent aussi bien le juge marocain que le juge français à l’occasion de l’application du code de la Famille marocain.
En vertu de l’article 2, ce code s’applique à : « 1- tous les marocains, même ceux portant une autre nationalité (les binationaux), 2- les réfugiés et apatrides, 3 – la relation entre deux personnes marocaines dont une est musulmane . »
Cet article consacre le principe de l’application de la loi national au statut personnel des marocains, ce qui est à contre courant de l’émergence et l’affirmation du rattachement à la loi du domicile en droit international privé. Il affirme la compétence de la loi marocaine dès qu’une personne est marocaine fut-elle binationale. Ce qui est source de conflit de lois.
L’article 14 permet aux « marocains résidant à l’étranger(…de) conclure leur mariage selon les procédures administratifs locales du pays de résidences, pourvu que soit réunis les conditions de consentement, d’aptitude et de la présence du tuteur matrimonial (wali) le cas échéant, et qu’il n’ai pas d’empêchement légaux ni d’annulation de la dot (sadaq) ; et ce en présence de deux témoins musulmans et sous réserve des dispositions de l’article 21 ci-après » (concernant le mineur).
Ils sont tenus, dans un délai de trois mois, de déposer une copie dudit acte aux services consulaires marocains ou au département chargé des affaires étrangères.
Parmi les empêchement temporaires au mariage, l’aliéna 4 de l’article 39 prévoit celui « d’une musulmane avec un nom musulman et le mariage d’un musulman avec une non musulmane qui n’appartient pas aux gens du livre »
Se pose alors la question de la validité des mariages des marocains résidant à l’étranger devant l’officier d’Etat civil et selon les formes administratives locales du pays de leur résidence, en contravention, de ces empêchements.
Par exemple, l’officier d’état civil ne pourrait s’opposer au mariage d’une marocaine avec un français, non musulman ou d’un marocain avec une bouddhiste ou une non croyante.
Quid de la validité de ce mariage lors de sa transcription aux services consulaires marocains ?
S’agissant la convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au « statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire », n’irait-on pas vers la fin de la prohibition de la répudiation marocaine et un revirement de la dernière jurisprudence de la Cour de Cassation prônée dans une série d’arrêt (cinq) du 17 février 2004, qui refuse de donner effet en France aux répudiations algériennes et marocaines, parce qu’elles méconnaissent le principe d’égalité des époux proclamé par le protocole n°7 du 22 novembre 1984 à la Convention Européenne des droits de l’Homme, exigence de l’ordre public international ?
L’innovation majeure du nouveau Code de la famille marocain c’est précisément la consécration de principe d’égalité des époux.
L’article 78 dispose que « le divorce (talaq) est la dissolution des liens de mariage. Il est exercé par l’époux et l’épouse selon les conditions auxquelles chacun d’entre eux est soumis, sous contrôle du juge et conformément du présent code. »
Et l’article 79 de préciser que « quiconque veut répudier doit demander l’autorisation du Tribunal pour faire consigner la répudiation par deux Aduls habilités à cet effet dans le ressort territorial du tribunal dans lequel est situé le domicile conjugale, le domicile de l’épouse ou le lieu de sa résidence, où l’acte de mariage a été établi, selon l’ordre précité. »
Dès lors, la résidence habituelle des deux époux marocains en France ne devrait pas conduire au rejet systématique de la répudiation marocaine au nom de principe d’égalité des époux.
Le juge français serait appelé tirer des conséquences de cette réforme et la Cour de Cassation à « répudier sa propre jurisprudence » tendant à une harmonie internationale des solutions conformément aux finalités du droit internationale privé, et éviter les raisonnements tenus en termes de conflits de civilisation.
« C’est par l’institution matrimoniale, par les règles qui président aux alliances, par la manière sont appliquées ces règles, que les sociétés humaines, celles mêmes qui se veulent les plus libres ou qui se donnent l’illusion de l’être, gouvernent leur avenir, tentent de se perpétuer dans le maintien de leurs structures, en fonction d’un système symbolique, de l’image que ces sociétés se font de leur propre perfection. » (Georges Duby, le chevalier, la femme et le prêtre)

Fethi Derkaoui, Docteur en droit, avocat au Barreau de Lyon

Le mariage des MRE dans le nouveau code de la famille par hakim El ghissassi


Avant la réforme du code de la famille, les futures conjoint marocains était obligé de passer par les services consulaires afin d’établir l’acte de mariage, l’acte de mariage civile Français n’étant pas reconnu quand il s’agit de deux époux marocains. L’article 14 du nouveau code de la famille reconnaît le mariage civil français. Selon le magistrat jawad Idrissi Qaitoni, juge chargé des mariages au sein de l’ambassade du Maroc à Paris, environ 200 mariages ont été contractés depuis l’adoption du nouveau code de la famille. Selon l’article 14, les actes établis devant les officier d’Etat civil français ont force probante au Maroc et les intéressés sont tenus dans un délais de 3 mois de déposer une copie du dit acte chez l’officier de l’état civile consulaire marocain, du ressort duquel relève la circonscription ou l’acte a été rempli et à la division de la justice de la famille du lieu de naissance de chacun des époux. La nouvelle Moudawana reconnait comme valable le mariage des marocains délibéré par le maire lorsqu’il a été réalisé en présence de deux témoins musulman et que l’époux est musulman.
M. J.I.Qaitoni indique, en se fondant sur l’article 14 du code de la famille, que tous marocain qui a conclu un mariage civile est qui souhaiterai faire une double célébration selon les formes prévus par la loi marocaine doit être avisé que son mariage célébré à la mairie est valable au Maroc. Toute fois les adouls peuvent lui rédiger un acte adulaire supplétif dénommé ICHHAD où il sera mention du mariage contracté selon la loi du pays de la résidence et qui comportera la présence des deux témoins musulmans, la mention du sadaq, le cas échéant, est éventuellement le wali ou toute close conforme à la moudawana. Cet acte supplétif, une fois consigné sur le registre destiné, sera joint à l’acte de mariage civil et les deux pièces seront envoyées à l’officier de l’état civil marocain pour transcription.

La Moudawana, comment ça marche? source: l'économiste 15.09.04


· Pas de références sûres

· La documentation manque

Mohamed Yassine, consultant juridique marseillais, est confronté quotidiennement aux problèmes d’application du nouveau code de la famille marocain, il nous livre ici ses préoccupations et ses suggestions.
Le statut personnel marocain reste incompris en France et les juridictions de ce pays ne le perçoivent qu’à travers les actes et les jugements rendus par la justice marocaine. Ce qui nécessite une adaptation sur le fond et la forme de ces actes.
La réforme du code de la famille a été largement médiatisée, sans que sa portée n’ait de conséquences sur le comportement des juges français à cause de leur ignorance de son contenu.
Tout récemment à Marseille, le juge de famille a exigé d’une justiciable marocaine de fournir au tribunal la législation marocaine relative au divorce. S’adressant au consulat, elle n’a pu obtenir qu’une copie en arabe de la Moudawana.
Dans un premier temps, les consulats doivent être alimentés en documentation large et précise sur le droit de famille marocain.
Ensuite il y a un travail d’information, d’explication et de sensibilisation qui doit être orienté vers l’appareil judiciaire français.
De même, le tissu associatif concerné doit être éclairé sur les dispositions législatives en cette matière.
Il arrive souvent que les juges français rejettent le divorce prononcé au Maroc et ce, pour défaut de notification ou absence du caractère contradictoire. Ils considèrent que c’est une décision contraire à l’ordre public.
Aussi, certaines traductions produisent des effets nuisibles pour les justiciables marocains devant les tribunaux français, notamment les termes: répudiation, puissance maritale, etc. Il convient d’éradiquer l’emploi de ces termes.
Quant à l’exercice de droit de visite et l’accompagnement durant les vacances scolaires au Maroc par l’un des parents divorcés, il nécessite une réflexion profonde et la mise en place des mécanismes clairs, simples et efficaces dans l’intérêt des enfants.
Concernant le mariage des citoyens français ou résidents marocains avec des conjoints installés au Maroc souffrent d’un traitement administratif très long et complexe, soit pour l’obtention de visa de conjoint français ou de l’autorisation de regroupement familial. De sérieux efforts doivent être entrepris dans le sens de la simplification et la célérité dans le traitement des dossiers. Egalement, il serait très utile d’instaurer l’accompagnement des couples durant cette phase pour une meilleure intégration de la partie qui arrive en France.
Des jeunes Marocaines se sont trouvées liées pendant des années, par un mariage avec des jeunes compatriotes, mais restent incapables d’assurer l’arrivée de leurs époux, soit pour leur incapacité de réunir les conditions requises ou soit par la découverte que les intéressés ne font que prétexter le mariage pour posséder une carte de séjour en France.
Ainsi les couples qui, après un délai suffisamment long, n’arrivent pas à organiser leur vie commune sur le sol français (soit pour échec du processus ou par décision unilatérale de mettre un terme au mariage) il convient d’étudier la mise en place d’une procédure souple qui leur permettra de dissoudre le mariage impossible ou difficile à vivre ensemble.

Propos recueillis par
Hakim El Ghissassi