La fin des émeutes n’a pas calmé les esprits. Mais certains exemples prouvent que la violence et les tensions exacerbées ne sont en rien une fatalité s’imposant à toutes les banlieues françaises. « Ce n’est pas quelque chose que l’on découvre, il y a toujours eu des problèmes mais c’est dommage que ça ait pris cette forme là », déplore Abdel Sadi, adjoint au maire de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Les violences urbaines ne surprennent pas cet élu qui a conscience des lacunes et du dysfonctionnement de la politique française. L’adjoint au maire de Bobigny, dont le bureau est toujours ouvert pour accueillir les habitants, explique que ces problèmes sont connus depuis plus de trente ans et que le gouvernement aurait du prévoir une telle crise. Réduction des aides aux associations, suppression des emplois jeunes, suppression de la police de proximité, stigmatisation des cités. Tous les ingrédients étaient réunis pour qu’un jour ou l’autre la jeunesse se révolte. Et pourtant, Bobigny a su contenir la colère des jeunes par le dialogue. Le maire, soutenu par les associations, a privilégié le dialogue pour désamorcer le conflit en créant des espaces de parole où chacun a pu exprimer sa colère et réfléchir à des solutions. « Tous ce que nous avons, c’est notre voix » souligne Youssef Zaoui, président de l’Association des Musulmans de Bobigny (AMB).
Selon Abdel Sadi, les revendications des jeunes sont légitimes mais la violence aurait pu être évitée. « La violence est la forme d’expression choisie par la jeunesse pour se faire entendre. Si l’on avait pas eu l’attitude arrogante et méprisante de ce ministre d’Etat qui semble perpétuellement en campagne, le calme serait peut-être revenu beaucoup plus tôt ». Pour une grande partie des balbyniens, le ministre de l’Intérieur est responsable de l’escalade de la violence dans les banlieues. « Monsieur Sarkozy n’a pas choisi la meilleure solution pour rétablir l’ordre. Je suis sûr que sans cette mauvaise gestion de la crise les choses seraient rentrées dans l’ordre», remarque Youssef Zaoui.
Le discours est le même du côté de la jeunesse. Que ce soit dans la cité Paul Eluard ou Chemin Vert, les jeunes en ont assez que Sarkozy « s’acharne sur eux » sans les écouter. Ils trouvent « normal » qu’il y ait de tels résultats. Réda, 24 ans, estime que le couvre-feu ou les menaces de Nicolas Sarkozy ne changeront rien à la situation tant que de réelles mesures sociales ne sont pas prises. Il regrette également que les médias aient fait leurs choux gras des violences urbaines. Les émeutiers, conscients de l’intérêt soudain des médias et de la tribune qui leur était offerte, ont multiplié les actes de violence. Pour Youssef Zaoui, il y a eu un effet de mimétisme entre les jeunes : « on a envie d’être solidaire sans savoir pourquoi ». Les violences urbaines étaient donc prévisibles. Les causes sont manifestes et profondes. Les élus et la population déplorent les moyens utilisés pour exprimer une colère longtemps réprimée tout en la cautionnant. Pour Youssef Zaoui, il est temps que le gouvernement prenne conscience de la détresse des banlieues et mette en place des mesures pour qu’elles aient un avenir. « J’ai toujours dit qu’il faut envoyer un car de CRS et un car de CDI, lance-t-il avec un sourire. Il poursuit : « il y a un potentiel dans les banlieues, la France serait gagnante. »