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Catégorie : Dossier
Face à sa croissance en nombre, on estime que la communauté des musulmans américains pourrait devenir en ce siècle la seconde communauté religieuse des Etats-Unis.
En remontant à la période pré-colombienne, la communauté musulmane américaine pourrait retrouver des traces de son histoire. La deuxième phase de l’histoire de cette religion mondiale aux Etats-Unis remonte aux temps de l’esclavage, selon Allan Austin, auteur de " Les musulmans africains dans l’Amérique d’avant la Guerre Civile "* ; époque lors de laquelle au moins dix pour cent des esclaves amenés en Amérique depuis le continent africain étaient musulmans.

La troisième phase de l’immigration musulmane aux Etats-Unis a commencé après la Guerre Civile, lorsqu’une vague d’immigration arabe, provenant de l’Empire ottoman, a commencé à s’installer le long de la côte est et au cœur de l’Amérique, dans le Midwest. Beaucoup de ces immigrants sont venus en Amérique dans l’espoir de devenir riches et de rentrer ensuite dans leur pays pour profiter de leur nouvelle fortune. Mais le destin en a décidé autrement, et beaucoup d’entre eux ont fini par épouser des femmes américaines, ou par faire venir une épouse de leur milieu, du Liban ou de Syrie. En plus des immigrants du Moyen-Orient ou des Balkans, il y avait aussi les immigrants musulmans de la Russie tsariste, dont la petite communauté illustre l’odyssée d’un groupe de Musulmans européens dont l’histoire est maintenant connue, même des musulmans américains. Pour plus d’éclaircissement sur leurs vies et leurs périodes, disons que 114 musulmans blancs ruthéniens ont servi pendant la seconde Guerre mondiale. Quatre-vingt-seize de ces vétérans américains musulmans étaient membres de la mosquée de Brooklyn, dix-huit étaient des musulmans qui n’étaient pas affiliés à la mosquée, et quelques-uns de ces soldats étaient officiers.
Ce sont ces rêves sur l’Amérique et les mythes liés au retour au pays qui ont amené à instaurer les fondations morales et psychologiques de ces premiers groupes d’immigrants. En regardant en arrière, on peut dire que malgré la vivacité du "mythe du retour" parmi les immigrants plus récents, l’assimilation grandissante de la plupart des musulmans de la deuxième et de la troisième génération a rendu de plus en plus impératif pour les musulmans la nécessité de bâtir des structures et de développer des mécanismes d’auto-développement et d’auto-affirmation.


En effet, la quatrième phase du développement des structures et des institutions islamiques en Amérique a commencé avec la venue des étudiants musulmans dans la période d’après-guerre. Attirés par les résidences universitaires de l’enseignement de la société américaine, déterminés à réussir par tous les moyens légitimes, beaucoup de ces jeunes hommes et femmes venus ici sont retournés chez eux chargés de la Toison d’or de l’éducation supérieure américaine. Cependant, il y en eut d’autres qui, pour diverses raisons, décidèrent de s’installer définitivement aux Etats-Unis. Certains de ces individus étaient victimes d’évènements politiques dans le monde musulman et ils décidèrent qu’il était politiquement prudent de faire des Etats-Unis leur maison permanente. Il y en eut également d’autres pour qui des liens conjugaux ont été déterminants dans leur décision de rester ici définitivement.

Dans notre bref aperçu de l’histoire des musulmans aux Etats-Unis d’Amérique, nous serions dans l’erreur si nous ne montrions pas comment la troisième et la quatrième phase ont créé ensemble les espaces mentaux et physiques pour l’implantation de l’islam parmi ceux qui sont nés citoyens du pays. Le nombre d’indigènes musulmans a crû de façon significative à travers les quatre-vingt-dix dernières années. La fascination pour l’islam et l’augmentation importante du nombre total de musulmans parmi les citoyens américains proviennent des conversions et des naissances naturelles parmi les immigrants et les convertis. Ces musulmans qui sont vus maintenant par la société comme des " convertis " préfèrent, d’ailleurs, être appelés "revenants". L’augmentation de leur nombre est largement due aux efforts de Shaykh Daud Fausak, un musicien afro-américain de père marocain et de mère indienne de l’ouest. Marié à une autre afro-américaine, de père pakistanais et de mère de Grenade, Shaykh Daud et son épouse ont joué un rôle déterminant dans la dissémination de l’islam dans les quartiers noirs de New York/New Jersey. Leur travail de dawah (prosélytisme) a conduit à la conversion de nombreux membres de la communauté afro-américaine. En plus des activités du Shaykh depuis la mosquée de State Street à Brooklyn (New York), il y eut également les efforts de la Nation of Islam pour diffuser une certaine compréhension des concepts islamiques, même s’ils sont apparus distordus aux contemporains musulmans des années 30. Les efforts d’Elijah Muhammad ont fait plus pour la multiplication du nombre des musulmans que toute autre dawah d’autres groupes de musulmans dans le pays. Avec l’accession, par héritage, de l’Imam W.D. Mohammed à la tête de la Nation of Islam, des changements radicaux ont commencé à s’implanter parmi le puissant mouvement noir.

De manière historique, l’Imam Mohammed est parvenu à transformer la Nation of Islam sans violence ou perturbations majeures parmi ses partisans. En mettant l’accent sur l’élévation spirituelle, en pressant ses partisans de prendre la responsabilité de leur croissance et leur développement spirituels à travers l’institutionnalisation de l’autonomie des mosquées, jusqu’ici dépendantes et disséminées à travers les Etats-Unis, il a permis à ses partisans de relever ce défi spirituel, ainsi que de construire des ponts individuels et collectifs vers les immigrés musulmans chez eux et les musulmans qui se trouvent dans le Vieux Monde. C’est en effet l’héritage individuel et collectif de Shaykh Daud et de l’honorable Elijah Muhammad qui a créé les conditions intellectuelles, morales et psychologiques indispensables à l’émergence d’autres mouvements islamiques des communautés afro-américaines. Darul Islam Movement, Islam Brotherhood Inc., à New York, Islamic Party of North America avec Hamid Muzaffrudin à sa tête, le groupe Hanafi dirigé par Abdul Khaalis, et tous les autres groupes plus petits et éclatés, ont été soit inspirés par Shaykh Daud Faisal soit par la Nation of Islam.

Ultimes questions essentielles pour les dirigeants musulmans et les penseurs stratégiques ,celles de l’assimilation et de l’extension de la bienveillance aux Indiens américains et aux Hispano-américains ayant décidé de rejoindre la communauté islamique aux Etats-Unis. En effet, des centaines d’individus, si ce n’est des milliers, de ces minorités sont à compter parmi les américains musulmans. Pour que les musulmans aux Etats-Unis fassent une impression puissante sur la société dans son ensemble, leur leadership et les membres des organisations de base en différentes parties du pays doivent démontrer l’universalité de leur foi, et leur volonté de faire tomber toutes les barrières qui engendrent des mouvements sociaux et politiques dans leur pays. Bien que le nombre d’Hispaniques qui embrassent la religion islamique soit faible, il y a des raisons de croire que l’on gagne du terrain dans le domaine de la dawah. The Allianza Islamica est le nom d’une organisation qui revendique de parler au nom des musulmans hispanisants des Etats-Unis. Mais bien avant l’émergence de ce corps, des musulmans immigrés dans l’ouest des Etats-Unis, où la population hispanique est nombreuse, ont fini par épouser des femmes hispaniques. Ces liens conjugaux ont engendré la formation et le maintien d’un nouveau groupe ethnique dans la société américaine. Connus sous le nom de Mexicains-Punjabis, ces Américains issus du mixage d’Asiatiques du Sud et de Mexicains sont devenus un "tampon" entre les Hispaniques catholiques et les Asiatiques du Sud musulmans en Californie.