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Catégorie : La medina N° 22
Quarante ans de bande dessinée algérienne et Le dessin de presse en Algérie sont deux expositions itinérantes qui ont été accueillies ensemble ou séparément dans divers lieux et festivals durant toute l’année. Des dessinateurs algériens y ont volontiers pris part. Quel meilleur moyen que l’humour pour dire ce qu’il y a de plus sérieux ? Une question dont se saisissent chaque jour les nombreux dessinateurs de presse algériens. Si certains exercent encore sur place, la plupart ont quitté leur pays natal pour fuir la répression et la menace islamiste des années 90. Qu’il s’agisse de dessin de presse ou de bande dessinée, ce sont là autant de façons de décrire en images l’Algérie contemporaine. Après l’indépendance et jusqu’à la fin du parti unique, c’est la courte BD qui a eu la primeur dans la presse. A commencer par le doyen des dessinateurs algériens Mohamed Aram dès 1963. D’autres l’ont suivi, améliorant cette pratique. Au premier rang desquels Slim, suivi de Rachid Aït Kaci, Mohamed Bouslah ou encore Nourreddine Hiazemzizou. En 1968, M’quidech, le premier illustré algérien créé par une bande de jeunes, consacre cette tendance à l’expression par le dessin. Ce magazine de BD permettra l’éclosion de nombreux autres talents tels Amouri, Melouah, Tenani, Rahmoune et bien d’autres. Parallèlement –et contrairement au autres pays du Maghreb –, les dessinateurs algériens ont bénéficié de débouchés en termes d’édition et d’imprimerie qui ont contribué à les faire connaître. En particulier, l’Enal, entreprise publique issue d’une restructuration de la Sned, publie dans les années 80 de nombreux albums.
Jusque-là, "faire du dessin de presse était impensable, exclu", précise aujourd’hui Slim. "Le dessin n’a commencé à voir le jour que sous Chadli, au moment où Boumediène a disparu". Mais il y avait encore trop de limites et du coup, "tout le monde s’est tourné vers la BD qui n’était pas contrôlée et même assez libre". Après les évènements de 1988, l’avènement du multipartisme et de la presse indépendante privée constituent le vrai démarrage du dessin de presse. Ainsi, une deuxième génération de dessinateurs est née. La presse, passée de deux à une vingtaine de titres pensait alors pouvoir jouir d’une libre expression, sans entrave. "On était engagés aussitôt, tout était permis", confie le jeune Gyps. Un foisonnement de publications a permis la découverte d’autres nouveaux dessinateurs comme Dilem, Lehic ou Amari, entre autres. Avec certains de leurs prédécesseurs, ils se sont regroupés autour du journal satirique El Manchar (La scie). "Sa création a coïncidé avec la reconnaissance officielle du parti islamiste d’Abassi Madani qui avait donc sa quote-part de dessins", précise Slim. Mais "les problèmes sont apparus à partir du moment où il a été dissout. On a continué à en rire et on a eu des problèmes, alors on s’est arrêtés. Et tout s’est arrêté finalement. À partir de 92, c’était fini", conclue-t-il. Aujourd’hui, certains caricaturistes reconnaissent s’autocensurer. Mais malgré les articles du Code pénal relatifs aux délits de presse, renforcés en mai 2001 par le fameux "amendement Dilem" comme l’appellent les journalistes, les dessins continuent d’alléger le quotidien de tout lecteur algérien.

Si le dessin de presse décrit l’actualité et reste l’instrument privilégié de la contestation politique, la bande dessinée a pour sa part la possibilité de retracer l’histoire passée de l’Algérie. C’est le cas de la BD de Jacques Fernandez. Natif d’Alger, ce dessinateur issu d’une famille de pieds-noirs a grandi à Nice. Il s’est tourné sur le tard vers l’Algérie et a décidé de lui consacrer une série de cinq albums intitulés Carnets d’Orient. Selon lui, c’est l’image de son père vieillissant puis son décès qui ont éveillé son intérêt soudain pour le pays qui l’a vu naître. Toutes les histoires qu’il a entendues ont nourri son imaginaire, puis il a voulu comprendre et a commencé à travailler dessus. Après avoir dessiné l’histoire de l’Algérie coloniale depuis le débarquement français, il a attendu sept ans avant d’accoucher d’un sixième volume qui lui paraissait inabordable et dont il est le premier surpris. La guerre fantôme commence le 1er novembre 1954 et retrace le début de la guerre de libération algérienne. Les albums suivants, en cours d’élaboration, traiteront la période qui va jusqu’à la proclamation de l’indépendance en 1962, à commencer par la bataille d’Alger. "Ce qui m’intéressait, c’était de montrer tous les paradoxes de l’histoire et toute la complexité des personnages". Et de préciser qu’avant tout, il voulait raconter cette histoire dont il est également le produit…