Pendant qu'Anouar Benmalek présentait en Australie la version anglaise de L'enfant du peuple ancien (Pauvert, 2000), Ce jour viendra, son dernier roman, sortait en France, en pleine rentrée littéraire. Au retour de l'écrivain, l'ouvrage était en librairie, offrant aux lecteurs sa "love story" tragique rescapée d'un massacre en Algérie puis d'une sombre affaire de clonage à Los Angeles. Ou la destinée désenchantée d'un scientifique, Driss, prêt à trahir son espèce pour l'amour de son petit garçon tombé dans le coma. Dans votre parcours de mathématicien et d'écrivain, ce roman est le premier où la science et la fiction sont autant imbriqués.
Pendant une période, j'ai travaillé en même temps sur les manipulations génétiques et la paléontologie. J'ai découvert que l'homme de Neandertal avait coexisté près de 40000 ans avec l'Homo sapiens avant de disparaître. Je me suis demandé si nos actuelles recherches sur le vivant n'étaient pas en train de préparer l'émergence de nouvelles espèces au détriment de la nôtre. L'Homo sapiens, dont nous sommes tous, serait écrasé par ce que nous aurions créé comme les premières "races", puisque génétiquement différentes. Ce n'est pas de la science-fiction : le clonage n'a rien de futuriste, c'est une réalité que tout le monde a déjà intégrée. Tout ce que je raconte est vrai. La seule projection, peut-être, concerne le clonage de l'enfant. Mais Ce jour viendra n'est pas non plus un livre de science. Je voulais montrer comment des circonstances terriblement douloureuses peuvent pousser à la transgression. Il existe de nombreux essais sur le clonage mais seule la littérature peut parler des sentiments et tenter de modifier la pensée.

Vous présentez comme une "Love story" une destinée marquée par la souffrance et la mort.
Mon personnage, Driss, fait l'expérience ultime de la vie en perdant sa femme dans un massacre en Algérie, puis son petit garçon dans un accident à Los Angeles où ils se sont réfugiés. Driss va de souffrances en souffrances et se voit forcé de trahir son espèce. Mais en même temps, il a la chance d'aimer follement deux femmes successives et son fils. Ce livre est un questionnement sur la mort et notre place sur Terre. Roman des origines et roman de la fin, j'y fais la nique à l'ordre matériel dont nous sommes issus en affirmant qu'aimer est l'honneur de l'esprit humain, notre revanche provisoire sur la matière.

Né au Maroc, vous avez la double nationalité algérienne et française, vous vivez à Paris et vos romans se promènent aux quatre coins du globe, depuis l'homme de Neandertal jusqu'au clonage.
Je dis toujours qu'un écrivain est un spécialiste de ce qu'il ne connaît pas. La littérature permet tous les sauts, toutes les expérimentations, je ne limite pas le plaisir d'inventer. On me présente comme "écrivain algérien" et "écrivain humaniste". Cela ne me convient pas tellement. Je ne veux pas être enfermé dans une catégorie et ne sais pas bien ce qu'"humaniste" veut dire. J'essaie d'être libre avec la nostalgie de tout ce qu'il y a de doux dans le monde arabe, ce monde qui vit dans le passé et ne parvient pas à trouver les ressources qui ont fait de lui une grande civilisation. Je suis écrivain ET Algérien, mais un Homo sapiens avant tout.