Ancien éditorialiste de El Watan installé en France depuis 1998 et auteur d'un triptyque algérois, l'écrivain Y.B. met en scène un bébé-star de Evry qui fait semblant d'être islamiste pour être à la mode, sur les conseils de l'imam du quartier. Un "roman extrême contre les extrémistes" dont le côté symptôme risque de recouvrir la ferveur de la tchatche. Jamel Debbouze, c'est son grand frère. Enfin, non, mais il voudrait bien. C'est son idole en fait, la superstar qui a réussi à s'annexer tout le show-biz hexagonal malgré, ou grâce, à ses "origines difficiles". Kamel n'est pas marocain. Né en Algérie il y a dix neuf ans, c'est un petit gars d'Evry pur jus, pilier du Quick après un BEP vente-action marchande. Ses racines l'intéressent moins que les branches : "Le problème c'est pas d'où tu viens mais où tu vas". Mais de son père algérien il retient cette phrase : "Le soleil, c'est mauvais pour la peau et les droits de l'homme". Et de sa mère française décédée il garde un deuxième prénom, Léon, qui, accolé au premier, lui offre un nom se scène bon pour l'intégration et le succès. Kamel Léon veut devenir une star comique, comme Jamel. Pas pour le parfum des planches mais pour ce soleil qui donne la même couleur à tout le monde, l'argent. Son premier sketch lui a été soufflé par le cheikh-imam du quartier, moyennant un pourcentage. L'idée : plagier la marionnette de Ben Laden aux Guignols de l'info. De fausse barbe en mimes terroristes, Kamel incarne une polémique qui l'expédie tout droit chez Ardisson avec une date à l'Olympia et une fatwa aux trousses. "Si tu es bronzé dans ce pays, tu as deux possibilités : sois tu fais peur, sois tu fais rire". Les deux, c'est possible ? "Moi, j'ai la tchatche de naissance" clame Kamel. C'est rien de l'écrire. Il y a des perles dans le babille de l'auteur, de sacrés jeux de mots et des points de vue bien cernés. Mais trop bavard, il devient fatiguant de parenthèses et de noyage de poisson. La meilleure critique reste la sienne : "double discours sournois avec d'indéniables qualités anxiogènes, symptomatique du malaise des banlieues". Si tant est que les banlieues s'étendent jusqu'aux podium télévisés.
Ingrid Merckx
Y.B., Allah superstar, 263 p., Grasset, 17 euros.