Parler d’une partie de la société algérienne, importante et fragile à la fois, fait directement penser à la jeunesse, tumultueuse et en pleine effervescence. On ne peut la comprendre sans prendre en compte le contexte actuel, ainsi que les perceptions qu’elle dessine de l’avenir, sous l’influence d’un environnement interne et externe rigoureux. La jeunesse algérienne représente 55 % de la population, selon les dernières statistiques de 1999. Cette génération algérienne de demain doit se confronter aujourd’hui à une vie difficile, qu’elle partage d’ailleurs avec l’ensemble de la société. Compte tenu de son poids, elle devrait faire l’objet d’une attention particulière, mais ce n’est pas le cas. Sans forcément adopter une position critique vis-à-vis de la politique algérienne, et sans même se lancer dans l’analyse des problèmes multi dimensionnels que connaît la société, l’atmosphère et le quotidien de cette jeunesse laisse percevoir une réalité vécue. Une simple conversation avec quelques jeunes d’une vingtaine d’années est informative en soi. Ils n’expriment dans leurs discussions qu’une fatigue psychologique, un dégoût d’une situation âpre. Ils estiment néanmoins avoir de la valeur et être capables de prouver une compétence intègre dans n’importe quel domaine. Mais ils pensent aussi que les études qu’ils mènent ne peuvent leur procurer une situation sociale confortable ou des formations professionnelles satisfaisantes. En effet, le taux de chômage est décourageant et ils renoncent dès lors à entamer une recherche d’emploi, quelle qu’elle soit. Ils restent ainsi totalement dépendants de leurs familles. Les jeunes Algériens voient leurs conditions de vie en noir et blanc, tout en mettant en évidence leur quête d’une sécurité globale, d’une liberté individuelle, et d’un avenir meilleur que celui des générations précédentes.
Avec une ouverture remarquable sur l’occident, par le biais des médias et de l’Internet, cette jeunesse semble néanmoins avoir trouvé, dans sa majorité, de nouveaux points de repère au sein de cultures étrangères. Des références incompatibles avec celles de la société algérienne, voire même avec ses origines identitaires, dont les jeunes commencent à sous estimer la valeur. Une réflexion qui engendrera, sans doute, de graves conséquences dans l’avenir, si cela échappe à une réelle maîtrise. Entre la musique universelle et l’habillement à la mode via de célèbres marques -bien que le budget familial ne le permette pas-, la jeunesse cherche, dans ses délires exotiques, à se fabriquer un monde à part où seront occultés la politique gouvernementale et le malaise social. Cette attitude n’ignore pas pour autant l’élargissement de l’Union Européenne vers le Sud ou les nouvelles de la communauté algérienne établie à l’étranger. Pourtant, la jeunesse s’inscrit dans une démarche logique, consciente ou pas, s’agissant de l’impact qu’elle peut avoir sur l’avenir du pays. Ce qui ne l’empêche pas d’envisager, tôt ou tard, la fuite de ce présent qui la marginalise, qu’elle qualifie "d’abîme", pour retrouver un futur ailleurs, qu’elle estime évidement prometteur. Pour y parvenir, un seul pas reste à franchir, c’est l’obtention du fameux visa.
Cette atroce lassitude, solutionnée par l’idée de la fuite, ne peut être interprétée que sous la forme d’une alerte secouante. Elle est un signal envoyé par ces jeunes, dans le but de réorienter le regard des structures sociales et politiques, responsables de leur pénible situation. La jeunesse veut, éventuellement, mener les responsables à s’impliquer sérieusement dans leur existence. Et à considérer, entre autres, l’ampleur du dynamisme, de l’énergie et de l’ambition qu’elle pourrait bien manifester au profit de la nation. Force est d’admettre que les efforts et investissements de l’Etat algérien dans ce sens ne sont pas négligeables. Néanmoins, ils nécessitent un renforcement vers plus d’efficacité et d’encadrement, afin de répondre aux besoins et aux exigences de la jeunesse. La mission ne peut être facile pour les dirigeants, mais comme l’enjeu est majeur, un changement doit avoir lieu. Car avant tout, l’Algérie c’est sa jeunesse.