Si la Banque mondiale et le FMI accordent des crédits à l'Etat marocain, leurs prêts s'avèrent extrêmement onéreux et favorisent les placements financiers plutôt que l'économie productive. En l’espace de deux mois, la Banque mondiale a paraphé deux protocoles financiers accordant au Maroc des prêts de 97,6 millions dollars (environ 105 millions d'euros). Le protocole organisé en deux volets engage également la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), qui fournit près de 70% des crédits, soit 65 millions dollars. Les fonds attribués devront être alloués à la mise aux normes du secteur des télécommunications, ainsi qu’au lancement d’un programme de réhabilitation des surfaces agricoles (via des projets d’irrigation notamment) Trois régions essentiellement rurales devraient être les destinataires prioritaires de ces programmes. C’est l’une des directives de la Banque mondiale : contribuer à réduire le fossé qui ne cesse de se creuser entre les zones rurales et l’espace urbain au Maroc.
Voici trente années que les bailleurs de fonds (Banque mondiale et Fond monétaire international) s’investissent dans divers projets de développement au Maroc. Au cours des trois décennies écoulées, pas moins de trois thérapies de choc ont été appliquées à l’économie marocaine, dont notamment un plan d’ajustement structurel d’une rare sévérité qui a vu fondre plusieurs acquis sociaux des années 70, selon la centrale ouvrière marocaine CDT (Confédération Démocratique du Travail) Les bailleurs, occupés à rétablir les grands équilibres macro-économiques, ont surtout édicté des directives monétaires destinées à maintenir le dirham dans une fourchette de valeur raisonnable. Ils ont également veillé à la maîtrise de l’inflation, avec toutes les rigueurs budgétaires que cet effort entraîne.
Mais à force de sacrifier au culte des grands équilibres macro-économiques, les institutions Bretton-Woods - réunissant les bailleurs institutionnels du club de Paris ainsi que les représentants des "donateurs" bilatéraux - ont négligé la micro-économie. Autrement dit, la gestion concrète du quotidien. Aujourd’hui, la Banque mondiale et le FMI admettent leurs erreurs sans pour autant abandonner leur politique de placements des liquidités à travers la distribution des crédits. Les taux de remboursement toujours aussi élevés incitent, en effet, les institutions financières à miser sur les vertus de la spéculation plutôt qu'à chercher des placements productifs et générateurs d’emploi.
En effet, pour chaque dollar prêté, les bailleurs en recueillent six. Soit une rentabilité trois fois supérieure à un placement classique. Et si l’on ajoute que le client emprunteur est souvent un Etat souverain, le facteur-risque se trouve réduit au maximum. C’est du moins le cas du Maroc qui figure parmi les meilleurs payeurs à ce jour. On estime la dette marocaine actuelle à plus de 14 milliards de dollars, avec un encours qui avoisine plus de 34% des recettes annuelles de l’Etat. En appliquant les taux de remboursement actuels, force est de constater que le Maroc a déjà remboursé trois fois le montant de sa dette, sans pour autant que celle-ci se résorbe.
Chaque début d’année, "l’argentier" du Maroc Fathallah Oualalou est amené à triturer le projet de budget dans tous les sens afin de savoir de combien on amputera les finances publiques pour régler…le service de la dette. Le pire est qu’en respectant ses engagements vis-à-vis de ses bailleurs, le Maroc démontre une "assise financière", - en clair des signes extérieurs de richesse - qui l’excluent de tout allègement de la dette.
A ce jour, aucune voix institutionnelle n’emboîte le pas aux nombreuses ONG qui réclament l’abandon des créances. Seule la CNUCED (conférence des Nations unies pour le commerce et le développement) appelle ouvertement à une reconversion des dettes en investissements non liés. L’organisation, qui fait figure de canard boiteux au sein du système des Nations unies, recommande, dans l’attente d’une solution véritable, un moratoire sur la dette. En clair, suspendre le remboursement, le temps qu’un consensus soit trouvé entre les bailleurs et les pays débiteurs. Pendant ce temps, la Banque mondiale continue à prêter. Aux mêmes conditions que dans le passé. Il n’y a pas de raison de changer une formule qui gagne !