Si Jay Glatfelter dort debout le jeudi matin, c'est la faute d'Internet, car poster son émission de radio du mercredi soir sur le Web lui prend bien plus de temps qu'il n'en faut aux internautes pour la consulter. L'utilisation de la Toile se heurte en effet parfois aux capacités d'un réseau initialement prévu pour la réception plutôt que pour l'envoi de données.
Dès la diffusion de ""Lost"" chaque mercredi soir sur la chaîne américaine ABC, le co-animateur d'une émission de radio diffusée en ligne et consacrée à la série, doit patienter une quarantaine de minutes pour que son programme soit enfin disponible. Alors que s'il la téléchargeait comme ses lecteurs, il ne lui faudrait que quelques minutes. ""A 3h du matin, c'est vraiment dur (...) quand on veut aller se coucher"", s'exclame Jay Glatfelter, qui vit en Caroline du Nord.
Les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) commercialisent des services asymétriques aux foyers, réservant le gros de leur ligne à l'affichage, au téléchargement de films ou autres fichiers, et laissant des miettes aux personnes désireuses de partager avec les autres internautes. Un déséquilibre qui n'a plus beaucoup de sens alors que la Toile devient véritablement interactive. De plus en plus d'utilisateurs contribuent désormais au contenu du Web, partageant leurs photos, vidéos ou podcasts, comme Jay Glatfelter.
C'est un fait relativement peu connu, les publicités pour le câble et l'ADSL se focalisant généralement sur la rapidité de consultation. Les fournisseurs de contenu ont peu de recours, à moins de dépenser des centaines de dollars par mois pour des services leur permettant de disposer d'une capacité de débit équivalente dans les deux sens.
Or de plus en plus d'internautes partagent des fichiers entre eux, sans passer par des serveurs centralisés. Mais pour l'instant, les données circulent dix à quinze fois plus rapidement dans le sens du réseau vers l'abonné (flux descendant) que dans l'autre sens (flux montant). ""Le système est hérité de l'époque des vieux médias de masse"", constate Paul Saffo, spécialiste des technologies en Californie.
Les fournisseurs d'accès affirment prendre en compte les demandes de leurs clients, en augmentant généralement la capacité de débit dans les deux sens, mais selon eux peu d'utilisateurs exigent une symétrie. ""Le débit n'est pas un souci pour la plupart de nos clients, nous le saurions"", assure Mark Harrad, porte-parole de la compagnie Time Warner Cable.
Le porte-parole d'AT&T, Michael Coe, reconnaît que les utilisateurs partagent probablement davantage de fichiers, mais ""ils passent la majorité de leur temps à télécharger"". ""Avec l'évolution des besoins, nous examinerons des offres qui correspondent aux besoins des clients, qu'il s'agisse d'un service symétrique ou tout simplement d'une capacité de téléchargement plus importante"". Il ajoute que la compagnie a triplé ses capacités upload (flux montant) ces deux dernières années, même si le download (descendant) reste quatre fois plus rapide.
La cause de ce déséquilibre est purement technique. Ainsi, sur l'ADSL, des flux montants trop importants peuvent interférer avec la bande passante descendante. Le déséquilibre correspond encore aux besoins de la plupart des internautes. Les visiteurs du site de partage vidéo YouTube consultent ainsi plus de 100 millions de vidéos par jour, mais en mettent en ligne seulement 65.000.
En France, le déséquilibre est le même, avec, dans la majeure partie des foyers, un débit de deux mégabits en voie descendante, et de 128 ou 512 kilobits en voie montante, selon France-Télécom. ""Sur les technologies d'ADSL, il est tout à fait logique d'avoir des écarts entre les deux, c'est la technologie qui veut ça"", ajoute le service de presse de l'opérateur. ""L'avenir, ce sera la fibre optique"", technologie déjà expérimentée par le groupe chez plusieurs dizaines de clients et qui permet une symétrie totale. Mais ""il ne faut pas compter sur un déploiement avant 2008"".