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Catégorie : Portrait
Success story à la française ou l’histoire d’un self made man... les qualificatifs ne manquent pas pour parler d’Aziz Senni. A 30 ans, ce chef d’entreprise multiplie les casquettes. Fils aîné d’un cheminot, né au Maroc en 1976, il rejoint la France quarante jours après. Direction : le Val Fourré, à Mantes-la-Jolie, en région parisienne. Après une éducation sévère « mais pleine d’amour », Aziz Senni décroche un BTS Transport. Quelque temps après, il est obligé d’arrêter ses études pour des raisons financières. Là, il se met à travailler. Pendant deux ans, il accumule de l’argent avec pour seul objectif de créer son entreprise. Si le premier banquier qu’il rencontre ne croit pas en lui, il n’est pas homme à se laisser décourager. Il participe alors à des concours qui récompensent les créateurs d’entreprise. Il béneficie d’aides de l’Etat : plus de 70 000 euros qui lui permettent de créer son entreprise. En 2000, mission accomplie, il crée Alliance Transport Accompagnement, une sorte de taxi collectif avec pour slogan : plus rapide qu’un bus, moins cher qu’un taxi. Depuis, son entreprise s’est implantée dans de nombreuses villes : à Mantes-la-Jolie bien sûr mais aussi à Argenteuil, Rouen, Rennes, Montpellier... Il intègre l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales par la voie professionnelle. Un mois avant les émeutes de novembre dernier, il publie son livre : l’Ascenceur social est en panne, j’ai pris l’escalier. Le résumé en est simple : oui il y a des discriminations en France, mais ce n’est pas une excuse pour ne pas s’en sortir. De plus en plus médiatisé, Aziz Senni participe à différents groupes de travail dont celui de Jean-Louis Borloo pour l’intégration ou encore celui de Christain Jacob pour la promotion des jeunes. Aujourd’hui, il souhaite faire profiter le Maroc de son expérience. Avec ce pays, il entretient un double rapport. Affectif d’abord, car c’est le pays de ses parents. Un pays qu’il affectionne tout particulièrement même s’il avoue ne « jamais pouvoir y vivre ». La raison en est simple. Il est Français et pas peu fier de le dire. Autre lien qui le rapproche du Maroc : l’investissement. Il essaie d’implanter une filiale d’ATA à Casablanca depuis plus de huit mois. Un sujet qui l’enthousiasme et l’irrite à la fois. La joie de faire profiter le Maroc de son savoir-faire se mêle à son exaspération face aux rouages administatifs de l’Etat chérifien. « Là où il me faut une autorisation en France, il m’en faudra quatre au Maroc, estampillées par quatre ministres différents », lance-t-il d’un ton agacé. Sa vision, qu’il qualifie de franchouillarde, se heurte au système marocain. Des tracas qui ne perturbent pas ce jeune entrepreneur ambitieux qui envisage déjà d’autres horizons pour ATA... l’Algérie par exemple. La discrimination positive, il est pour, même si elle est fondée sur l’origine sociale et non pas ethnique qui, estime-t-il, constitue plus un « facteur aggravant ». Selon lui « un Stéphane qui habite le Val Fourré a aussi du mal à trouver du travail ». Un porte-parole des banlieues penseront certains ? Il répond sur un ton assuré : « je ne parle toujours qu’à la première personne ». Cependant, il espère pouvoir motiver les jeunes par son parcours. Stimuler la jeunesse non pas en prêchant la bonne parole, mais en les aidant à réaliser leur rêve. La récupération politique, non seulement il n’en a pas peur, mais il la souhaite. C’est aux côtés de François Bayrou qu’il a décidé de mener son combat. Issu également d’un milieu modeste, le numéro un de l’UDF a su convaincre Aziz Senni. Les deux hommes se rencontrent une fois par mois. François Bayrou lui a confié deux commissions, une pour les banlieues et une autre pour l’emploi. Très lucide, Aziz Senni s’impose tout de suite. Lors de sa première rencontre avec le président de l’UDF, il lui confie « je ne veux pas être le Malek Boutih de votre parti ». Le ton est donné. L’embeurgeoisement dont certains de ces détracteurs l’accusent, il l’assume et le revendique. « Quand on était jeunes et qu’on fumait dans les cages d’escalier du Val Fourré, on a tous rêvé de s’acheter un appartement au centre ville. Me faire réveiller par le son des cloches d’une église, c’était un rêve de gosse que j’ai réalisé à la sueur de mon front ». Revanche sociale contre « les fins de mois difficiles, les vacances estivales passées au Val Fourré par manque d’argent », il est fier de son succès professionnel et de son nouvel engagement politique.