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Catégorie : Portrait
La figure fondatrice de Nation of Islam est Wali Fard, qui fut l’un des premiers à exhorter la communauté noire à sortir de la religion chrétienne, dépeinte comme la religion des esclavagistes et des oppresseurs pour embrasser l’islam, afin de recouvrer leur dignité. En 1934, année de sa disparition, dans des conditions mystérieuses, Nation of Islam comptait déjà plus de 8000 adeptes. Cette même année, Elija Mohamed, principal ministre et seconde figure du mouvement, succéda à Fard. Il conféra au mouvement ses traits distinctifs. Tout d’abord, il déplaça le centre de gravité de l’organisation de Detroit vers Chicago. Il éleva surtout Fard au rang de figure quasi-divine, et lui-même au rang de prophète ; ce qui fait de ce mouvement une hérésie aux yeux des musulmans sunnites ou shi’ites qui ne reconnaissent pas Nation of Islam comme un groupe musulman. Elija Mohammed développa une conception de la révélation et de l'histoire de l'humanité dans laquelle la vérité et la primauté appartiennent à la race noire, laquelle fut soumise par les blancs "caucasiens", et spoliée de son rôle central dans l'évolution du monde. Il se considérait comme un nouveau messager de l'islam, chargé de lutter contre le "blanchiment de l'histoire". Son insistance sur la discipline et l’élitisme fournissait des moyens positifs d’identification aux composantes les plus fragilisées de la communauté noire qui, grâce aux interdits de l’alcool, des drogues, du tabac et des jeux, ainsi qu’à la valorisation de la vie familiale et de la fidélité conjugale, parvenaient ainsi à lutter contre la dégradation sociale et morale. Les raisons du succès de Nation of Islam ne sont donc pas strictement religieuses mais aussi, et surtout, ethniques : son message a favorisé la cohésion communautaire d’un groupe marginal et exclu de la prospérité américaine.

Le disciple le plus talentueux d’Elija Mohammed fut Malcolm Little, dit Malcolm X, qui prêchait l'islam à Philadelphie et New York et fit merveille auprès des jeunes noirs "laissés pour compte" dans les ghettos du Nord. Son adhésion à Nation of Islam intervint lors d’un séjour en prison en 1948 pour larcin et port d’armes. Dès sa sortie de prison en août 1952, son ascension dans le mouvement fut fulgurante : moins d’un an après sa libération, Elija Mohamed le nommait principal ministre du culte de Nation of Islam. Ayant acquis une stature internationale à l'occasion de voyages dans le monde arabe et en Afrique, il prônait l'avènement d'une nation musulmane séparée des chrétiens blancs racistes et donnait une tournure plus politique au message de Nation of Islam, en harmonie avec le mouvement international des non-alignés c’est-à-dire tiers-mondiste, anti-impérialiste et anti-capitaliste. Cette orientation idéologique, différente des options économiques et politiques du mouvement, engendra des conflits avec Elija Muhammad, au moment où le pèlerinage à La Mecque, que Malcolm X effectua en 1964, le faisait se rapprocher de l'orthodoxie sunnite. Devenu El Hadj Malik El Shabazz, Malcolm X sera abattu le 21 février 1965 dans Manhattan, alors que sa rupture avec Nation of Islam et ses théories séparatistes était consommée.

À la mort de Elija Mohamed, en 1975, son fils Wallace Deen lui succède à la tête du mouvement. De façon spectaculaire, il abandonne les enseignements différencialistes, séparatistes et racistes de son père, fait évoluer le mouvement vers un piétisme sunnite orthodoxe, change son nom pour devenir Warith Deen Mohamed (héritier de la foi), ainsi que celui de l’organisation. Louis Farrakhan se dresse alors contre Warith Deen Mohamed, et reconstitue Nation of Islam en 1977. Contrairement aux idées reçues, seulement 20 000 Musulmans noirs, sur près de 2 millions se réclamant de l’Islam, rejoignent Nation of Islam à cette date. Plus de vingt ans après la reconstitution de Nation of Islam par Louis Farrakhan, la proportion demeure quasi identique : sur près de trois millions de musulmans noirs, entre 1 et 3% seraient membres du mouvement de Farakhan. La grande majorité des musulmans noirs suit désormais les enseignements de l’islam sunnite et fait partie des organisations développées par Warith D.Muhamad ou d’autres. Ils ne se dénomment d’ailleurs plus “black Muslims”, mais simplement Muslims.

À cet égard, le rôle de Warith Deen Mohamed, bien que moins visible médiatiquement, est sans conteste plus déterminant au sein de la communauté noire. Tous ses efforts sont orientés vers la réintégration des musulmans noirs d’Amérique dans la ‘Umma. Cet objectif s’est traduit par un alignement du mouvement sur les doctrines de l’islam sunnite orthodoxe. Les temples sont désormais appelées mosquées ; les ministres du culte sont devenus des imams ; le jeune du mois de Ramadan (qui dans Nation of Islam se pratique à date fixe, au mois de décembre) a été restauré selon le calendrier lunaire, ainsi que les cinq prières quotidiennes. Afin de se désolidariser du racisme dominant de Nation of Islam, Warith Deen Mohamed décida d’ouvrir toutes les mosquées de l’organisation à tous les musulmans, quelle que soit la couleur de leur peau. Il changea également d’attitude envers les Etats-Unis, plaidant désormais pour une intégration des noirs dans la communauté nationale, et non plus pour l’instauration d’une nation séparée. Cette nouvelle posture s’est traduite dans les changements successifs de nom du mouvement : The World Community of Al-Islam in the West de 1976 est devenue en 1981 The American Muslim Mission, puis enfin The Muslim American Community en 1990. Il est aujourd’hui un des leaders musulmans les plus respectés, ainsi que le plus engagé dans un intense échange avec tous les courants et associations de l’islam américain, immigré ou pas.

les medias musulmans americains
Dr. aslam abdullah
Trois cents lettres d’information, onze hebdomadaires, huit magazines mensuels, cinq programmes télévisés d’une demi-heure et dix-sept programmes radio d’une heure...

Mais dans un pays où les musulmans sont plus de six millions et ont un taux d’alphabétisation d’environ 100 %, est-ce suffisant? D’autant qu’aucun des médias musulmans n’a un marché national et que le nombre de tirage global des journaux et magazines n’excède pas les dizaines de milliers. Quant à l’audience TV et radio, elle est encore moindre.

Les médias ethniques

Plus de cent nationalités musulmanes composent la communauté islamique aux Etats-Unis. Les médias ethniques sont généralement produits dans la langue de la communauté. Ces dernières années, les médias ethniques se sont focalisés sur l’anglais, pour capter le plus jeune public né aux Etats-Unis. Les médias ethniques allient religion et culture et mettent en lumière des sujets en rapport avec le pays d’origine d’une communauté spécifique. The Pakistan Today, par exemple, est un journal hebdomadaire publié en Californie du Sud. Soixante-quinze pour-cent de son contenu traitent du Pakistan et les vingt-cinq pour-cent restants traitent de certains aspects de l’islam qui peuvent intéresser les Pakistanais musulmans. Les médias ethniques comptent sur les sources d’information qui proviennent du pays d’une communauté spécifique.

Les médias linguistiques

Les journaux et magazines abondent en langues parlées dans différentes parties du monde. Les langues les plus courantes sont l’arabe, le persan, l’urdu, le bengali, le malais, le gujarati, le tamoul, le turc, le bosniaque et le bahasa indonesia. L’accent est mis plus sur la littérature que sur l’actualité.. Mais peu d’entre eux, comme Anba al Arab, avec ses articles sur la littérature arabe, sont nationaux et circulent de la côte est à la côte ouest. Beaucoup de ces journaux recopient les articles parus dans les journaux publiés dans le pays d’origine du groupe linguistique.