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Catégorie : Editorial
Dominique de Villepin a choisi le dénominateur commun le plus bas pour la création de la fondation des œuvres de l’islam de France. Cette dernière n’aura pour activité que l’aspect cultuel : « attribution de subventions pour la construction, l’aménagement ou la rénovation de lieux de culte ; la participation aux moyens de fonctionnement des organismes prenant en charge la formation initiale ou continue des imams et aumôniers ; l’attribution de bourses d’études et de recherche aux étudiants en islamologie ; le soutien de toute action de formation pour aider à la connaissance de l’islam en France ; l’attribution de subventions aux instances représentatives du culte musulman ». La volonté de départ de faire doter les citoyens français de cultures musulmanes d’une fondation à caractère culturel plus que cultuel, s’est heurtée à la realpolitik et au refus de l’une des principales fédérations religieuses musulmanes de France. Les fondateurs de la fondation donneront un aspect plus officiel que militant. l’UOIF se trouvera noyée au sein du conseil d’administration, le nombre de personnes sur lesquelles elle pourra compter ne dépassera pas 3 sur les 15 postes. La petite touche de faire appel à des acteurs extérieurs permettra à la fondation d’avoir une ouverture timide sur la société française et certains pays d’origine. Cependant elle sera un outil plus efficace pour répondre aux demandes réelles des fidèles : des lieux de culte dignes, des imams formés, une gestion transparente des finances, une prise en compte de la réalité sociale dans la construction des mosquées et leur implantation à travers le pays en répondant aux besoins et non pas satisfaire l’ego de certains qui veulent coûte que coûte la construction de mosquées- cathédrales. La fondation permettra également une mutualisation des énergies pour la gestion, l’administration et la mise à disposition aux lieux de cultes des dossiers techniques et une expertise juridique. Elle permettra également aux collectivités locales de s’assurer de la crédibilité des projets cultuels qui peuvent leurs être soumis.

L’islam de France se dote, après son institutionnalisation, d’outils lui permettant de mutualiser ses ressources humaines et financières. Si la création de la fondation est une initiative à saluer nous resterons dans l’attente des prérogatives de cette fondation. Sera-t-elle impartiale, réussira-t-elle à être rassembleuse, sera-t-elle à l’image de l’islam de France dans toute sa diversité cultuelle et culturelle ? Réussira-t-elle à avoir son autonomie et permettra-t-elle au CFCM et aux CRCM de devenir à long terme les porte-paroles d’un islam sécularisé et autour duquel se structurera une grande partie du culte musulman ? Nous faisons ici une nette séparation entre la notion de religion et celle de culte, si la première exprime le cadre rituel et dogmatique, le culte dans sa définition juridique parle de l’institution sur laquelle l’Etat exerce un droit de regard, que ce soit au niveau administratif, fiscal ou organisationnel. Les organisations fondatrices réussiront-elles à laisser de côté leur intérêts particuliers pour épouser l’intérêt du pays et être au service des citoyens sans distinction d’affinité idéologique ?

Nous attendons de cette fondation qu’elle soit un lieu de modernité qui orientera les futurs projets de mosquées et de formation religieuse pour une insertion dans le paysage urbain, social et philosophique, d’encourager une architecture créatrice et innovatrice loin des pastiches et des exotismes qui nous font rappeler plus Marrakech ou Istanbul que la richesse et la diversité culturelle française. Pour ceci nous espérons que les fondateurs de cette fondation seront conscients de la nécessité d’avoir à côté d’eux des experts et des spécialistes dont le seul critère de recrutement sera la compétence et la capacité de donner une image moderne à l’islam de France.

La construction d’une mosquée de proximité et de taille moyenne coûte environ un million d’euros. Si la grande partie de ses mosquées arrive à être construite, la plupart du temps par les dons des fidèles, les difficultés commencent lorsqu’il faudra assurer les charges fixes et recruter les cadres religieux et administratifs. Si les autres cultes ont une expertise assez longue de mutualisation des ressources humaines, financières et administratives, le culte musulman piétine encore dans ses querelles de pouvoir et se comporte de façon très individualiste.

La fondation des œuvres de l’islam de France n’est qu’une première étape dans la réorganisation financière du culte musulman, d’autres fondations verront sûrement le jour, celle qui sera lancée prochainement par la ville de Paris donnera une autre image plus culturelle que cultuelle. Nous devons également s’attendre à ce que des mosquées qui échappent au contrôle des fédérations créeront les leurs à l’avenir. Elles poursuivront en cela l’engouement de la société française pour la création de fondations dont le nombre a quadruplé depuis 2003. C’est un autre signe d’intégration et d’accompagnement de la dynamique sociale française.