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Catégorie : Dossier, les enjeux de l'intégration
La France refuse sa diversité et ce depuis toujours. L’idée que la France est devenue plurielle n’est pas encore entrée dans les esprits sinon les mœurs. La diversité est un choix. La France l’a fait depuis quarante ans. Ce choix n’a pas été accompagné sérieusement pour éviter d’enfanter une génération sans repères identitaires valorisants pour eux et pour le pays. Le monde a changé, mais pas les idées politiques de tout bord qui ont eu du mal à suivre. Depuis 1981 et l’arrivée de la gauche au pouvoir pour la première fois depuis longtemps, celle-ci a instrumentalisé toute une communauté, qu’elle a poussé au communautarisme sans jamais donner un contenu au mot «intégration». Ou plutôt si, la règle était la suivante : un beur (ou rebeu, c’est selon !) ou un black ne pouvait être que de gauche.
Pas un député, pas une seule «tête bronzée» à des postes de responsabilité dans les médias, dans l’administration… La gauche a tué un rêve, elle a leurré une génération de jeunes qui avaient des projets. Aujourd’hui, cette gauche devrait faire preuve d’humilité et ne plus reproduire les schémas qui n’ont pas marché. Il a fallu attendre un gouvernement de droite pour voir un ministre issu de l’immigration avec Tokia Saïfi, aujourd’hui député européen. Pour autant, la droite a failli également. Elle a coupé les crédits à des associations qui se mobilisaient dans les cités, a placé des jeunes sur des listes électorales en position non éligible, elle a insufflé peu de moyens pour les écoles en milieux sensibles. Tout cela est autant de manquements, qu’aujourd’hui, les politiques doivent savoir et pouvoir réparer.
A droite comme à gauche, la diversité est une réalité qui a du mal à faire son chemin dans l’esprit des gens. A entendre les récents propos d’Eric Raoult, je me dis que l’heure est grave. « Nous ne devons rien regretter », voilà des propos irresponsables mais qui confirment que les politiques n’on pas encore compris la portée des événements de l’automne dernier et les réponses à y proposer.
La France ne sait pas intégrer ou ne veut pas le faire. Critiquer le modèle anglo-saxon c’est bien, mais que proposer en face des réalités de cet échec et de ce mensonge permanent ? Cette génération issue de l’immigration - dont je fais partie - doit se battre pour exister. D’abord par ses compétences et en gérant sa double culture. Cette double culture doit être perçue comme une chance, une opportunité et une richesse pour la France et pour son avenir. Il est temps de se mettre ensemble sans clivage politique autour d’une table pour parler et bâtir une stratégie afin que les générations futures ne vivent pas les mêmes problèmes. A ceux qui sont confortablement assis, je dis «Faites l’effort de regarder le monde et la vie de tous les jours avec les yeux de ces jeunes en souffrance. Vous comprendrez alors que c’est l’absence d’horizons qui les habite et pas la raison». Les voir abandonnés à leur sort, isolés dans leur quartier est un acte irresponsable. Ils veulent des choses que tout un chacun souhaite : un travail et pouvoir fonder une famille et surtout que l’on cesse de les regarder avec un a priori négatif ; le droit à l’anonymat en somme.
Les actes de violence commis par émeutiers lors de l’embrasement des banlieues sont inacceptables, mais l’inaction des politiques depuis trente ans et le refus de la diversité sont, d’une certaine manière, également responsables de la situation actuelle. C’est criminel de laisser pourrir une situation sans y remédier, mais avec les gens concernés.
Ce refus de la diversité est tel qu’il ne s’exerce pas que dans l’Hexagone. En effet, mon expérience personnelle au Maroc depuis huit ans me montre que notre bi-nationalité n’est pas du tout acceptée par les instances diplomatiques sauf pour nous comptabiliser dans les statistiques.
Le ministre des Affaires Étrangère précurseur en matière de prise en compte réelle de cette communauté de binationaux a été Michel Barnier et ce, sous l’influence et l’insistance d’une consule très engagée sur la question et fort critiquée au demeurant par la communauté française dite de «souche». Heureusement, Dominique de Villepin a pris le relais lors de son dernier passage au Maroc.
Il n’y a pas de solution miracle. Néanmoins, nous devons, tous ensemble, initier un processus à long terme pour redonner de l’espoir à toute une génération et prouver que la devise de la France est une réalité.
Je suggère une conférence nationale sur l’intégration avec l’implication de tous les acteurs de tous bords. Sur cette question, il faut une union sacrée. L’avenir de la France en dépend pour partie. De cette conférence, devront naître des propositions concrètes sur la problématique de l’emploi, dans le public ou dans le privé, et de la formation. La diversité doit voir le jour dans tous les pans de l’économie et de la société françaises.
Cette génération a besoin de « grands frères » à qui s’identifier, pour dire que c’est possible de réussir en France en étant issu de l’immigration.
Pour cela, Il faut leur tendre la main pour la première fois et ensuite les laisser faire leur chemin. La France est un grand pays qui m’a permis d’être ce que je suis aujourd’hui. Je me suis pris en main, mais sans cette main tendue, un mois d’avril 1985, j’aurais peut-être été parmi les brûleurs de voitures!
Comme au jeu d’échecs, lorsque l’on se trouve « échec et mat », on n’a pas d’autre choix que d’entamer une autre partie, mais en adoptant une autre stratégie cette fois…