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Pour la quatrième année consécutive, l’Islam bénéficie d’une couverture conséquente dans le catalogue des éditeurs français. De ce lot, une vingtaine de livres parus au total, se détachent cependant quelques titres dont la teneur intellectuelle et scientifique mérite d’être relevée. Chacun, à sa manière, porte la réflexion et le débat vers de nouveaux horizons de pensée, prenant à rebours des attitudes, des images et des imaginaires. Sous la direction de Gilles Kepel et Jean-Pierre Milelli, de jeunes chercheurs ont entrepris dans Al-Qaïda dans le texte (éditions PUF) un travail pédagogique d’interprétation de textes traduits des quatre dirigeants d’al Qaida. Avec ce matériau, le grand public pourra désormais lire les discours et les édits d’une mouvance dont il ne connaît que les coups d’éclat spectaculaires ou les images de propagande diffusées par exemple via la chaîne qatarie Al-Jazeera. Le livre nous renseigne sur une idéologie à la teneur régressive, dans le sens d’un souhait de retour vers l’idéal premier d’un Islam primaire. Le recouvrement de cette époque passe par un jihad à outrance, non seuelement contre un « Occident omipotent », mais également contre des régimes islamiques qualifiés de « corrompus ». Les discours des quatre leaders de cette mouvance (Oussama ben Laden, Ayman al-Zawahiri, Abdallah Azzam, Abou Mousab Zarkaoui) est éloquent à cet égard. S’il existe entre les quatre leaders quelques nuances de style et d’argumentation, leur représentation se recoupe autour d’un même Islam grégaire.
S’il partage pour sa part, avec les auteurs de Al-Qaïda dans le texte, le même souci pédagogique, François Burgat, dans son ouvrage l’islamisme à l’heure d’al-Qaïda, se démarque de leur démarche pour montrer que cette mouvance a bâti en grande partie sa légitimité thérorique et partique sur la propagande que lui offerte la chaîne d’information qatarie Al Jazeera, mais qu’elle est également l’expression d’une contestation politique que vivent les sociétés arabes. François Burgat reste fidèle à sa démarche anti-éradicatrice qui consiste à ne rien laisser ni aux islamistes ni aux régimes, les renvoyant dos à dos. Le mal des sociétés musulmanes n’est pas là où on nous le montre, nous dit en substance François Burgat.
Etre journaliste et s’attaquer à la machine qui fabrique l’information et surtout la fausse information, voici la gageure tenue par par Thomas Deltombe. L’auteur revient sur près de trente ans d’actualité de ce qu’il appelle « les islam de France ». Il déroule des heures d’émissions télévisées pour faire ressortir une idéologie simpliste : toutes les vedettes du petit écran, de Charles Villeneuve jusqu’à PPDA en passant par David Pujadas, ont commis des perles sur l’Islam et les musulmans.
Autres marques de fabrique de cet islam en raccourci : les beurs exemplaires, à l’image du pasquaïen Rachid Kaci, les journalistes de la bidouille tel Mohamed Sifaoui, ou les experts de l’islam appelés à la rescousse à tout bout de champ. La technique du bidonnage ( des photos de maghrébins affublées de barbe ou de filles voilées) renforce le néocolonialisme. Selon ce procédé, les immigrés sont responsables de leur déficit d’intégration. Guillaume Durand, Daniel Schneidermann sont les rares exceptions dans la communauté des journalistes qui ne succombent pas à un tel formatage. Le gagnant dans cette affaire n’est autre que le Pen évidemment. Dans ce travail, Thomas Deltombe nous éclaire sur la confection perverse des images de l’Islam et des musulmans, dans une France qui a du mal à se libérer de ses fantômes coloniaux.