La conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement qui aura lieu les 10 et 11 juillet à Rabat est l’aboutissement d’un processus déclenché par l’arrivée toujours croissante de migrants clandestins africains en Europe, créant souvent des situations dramatiques. Ces déplacements humains massifs traduisent des conditions de vie difficiles dans les pays d’origine.

L’année qui suit les événements tragiques de Ceuta et Melilla aura été celle des migrations. Les assauts de centaines de Subsahariens à la frontière espagnole, refoulés violemment et dispersés dans le Sud marocain à l’automne 2005, ont agi comme un révélateur. Depuis lors, n’ont cessé de se succéder les déplacements ministériels - de Nicolas Sarkozy au Maroc aux émissaires espagnols en Mauritanie - et les décisions au sommet - de Hampton Court à Nice -, visant à réduire l’immigration illégale en Europe. Devant l’ampleur de la nouvelle vague de migrants à destination des îles Canaries via la Mauritanie, l’Espagne a multiplié les démarches. Résultat, huit pays européens ont adhéré à un plan d’aide, annoncé le 5 juin par l’Agence des frontières extérieures de l’Union européenne (Frontex). Prochaine date, et non des moindres, la conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement qui se tiendra les 10 et 11 juillet 2006 à Rabat. Approche globale Initiée par l’Espagne et le Maroc, activement appuyée par la France et soutenue par l’Union européenne, cette conférence veut atteindre une coopération d’ensemble. Une soixantaine de pays “émetteurs”, “de transit” et “d’accueil” d’Afrique et d’Europe y sont attendus. Ainsi qu’une dizaine d’organisations internationales et régionales. La rencontre a pour but d’examiner non seulement les mesures possibles de coopération policière et judiciaire, mais aussi celles d’aide au développement. Cette approche commune et globale de la problématique des migrations avait déjà été exprimée par Catherine Colonna, ministre française déléguée aux affaires européennes, lors de sa visite préparatoire au Maroc avec son homologue espagnol Alberto Navarro en décembre dernier. Mais à ce jour, aucun financement spécifique n’a encore été prévu. Autre ombre au tableau : l’absence annoncée de l’Algérie, qui a tenté de mettre sur pied une conférence concurrente sous l’égide de l’Union africaine (UA). Toujours en réaction à la conférence ministérielle, une conférence non gouvernementale euro-africaine sur les migrations a, quant à elle, été maintenue du 30 juin au 1er juillet 2006 à Rabat.G Plan d’action Après une première réunion le 27 mars à Rabat, le comité de pilotage de la conférence ministérielle s’est de nouveau rassemblé le 6 juin à Dakar. Les délégués d’une cinquantaine de pays ont peaufiné un plan d’action commun. Ce plan, élaboré à l’origine par le Maroc, l’Espagne et la France, devrait être adopté par les ministres européens et africains à Rabat. Au-delà des mesures draconiennes préconisées en matière de lutte contre l’immigration clandestine, les propositions relevant de la coopération économique et de la prévention des conflits en Afrique resteront-elles au stade du vœu pieu ? Cette conférence mènera-t-elle à une convergences des attentes, ou sera-t-elle une nouvelle version sécuritaire et répressive de la lutte contre l’immigration irrégulière faisant fi de la situation des migrants ? Si l’Europe veut gérer les flux migratoires ou choisir ses immigrés, les Africains en partance cherchent avant tout à améliorer leurs conditions de vie.


L’année des migrations en quelques dates

*26 septembre 2005 Début des événements tragiques de Ceuta et Melilla. *11 octobre 2005 Le Maroc et l’Espagne font une proposition de conférence ministérielle euro-africaine sur les migrations. *27 octobre 2005 Sommet de Hampton Court des chefs d’État ou de gouvernement de l’UE, qui préconise une relance de la politique de gestion des flux migratoires. *27-28 novembre 2005 Sommet du 10e anniversaire du partenariat Euro-Méditerranéen à Barcelone. Le Programme de travail quinquennal prévoit une série de mesures relatives aux migrations et à la sécurité. *4-5 décembre 2005 Visite conjointe au Maroc de la ministre française déléguée aux Affaires européennes Catherine COLONNA et de son homologue espagnol Alberto NAVARRO, pour préparer la conférence ministérielle euro-africaine sur les migrations de Rabat. *15-16 décembre 2005 Le Conseil européen adopte une approche globale des migrations que le sommet de Hampton Court avait identifié comme l’un des défis de la mondialisation. *11 février 2006 Visite au Maroc de Nicolas SARKOZY, ministre français de l’Intérieur. *16 mars 2006 Visite d’une délégation espagnole en Mauritanie. *23-24 mars 2006 L’Espagne saisit le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement de l’UE à Bruxelles sur la question de la nouvelle vague d’immigration clandestine aux Canaries via la Mauritanie. *27 mars 2006 Réunion à Rabat du comité de pilotage de la conférence ministérielle euro-africaine sur les migrations. *14 avril 2006 Visite à Paris de Chakib BENMOUSSA, ministre marocain de l’Intérieur. *11-12 mai 2006 12e Conférence des ministres de l’Intérieur des pays de la Méditerranée occidentale (CIMO) à Nice. Elle prévoit une stratégie commune de lutte antiterroriste et un renforcement de la coopération contre les filières d’immigration. *19 mai 2006 Madrid formalise en Conseil des ministres de l’UE à Bruxelles son Plan Afrique. *20 mai 2006 Visite au Maroc de Nicolas SARKOZY, ministre français de l’Intérieur. *23 mai 2006 Déplacement de la première vice-présidente du gouvernement espagnol à Bruxelles pour appuyer les revendications de Madrid. *5 juin 2006 L’agence des frontières extérieures de l’UE (Frontex) annonce l’alliance de pays européens visant à lutter contre l’immigration d’Africains en Europe via les îles Canaries. *6 juin 2006 Réunion à Dakar pour préparer la conférence ministérielle euro-africaine sur les migrations. Elle adopte un plan d’action qui sera soumis aux ministres à Rabat. *12-13 juin 2006 Visite à Paris de Taïb FASSI FIHRI, ministre marocain délégué aux Affaires étrangères. *14 juin 2006 Réunion à Nouakchott d’experts d’Europe et d’Afrique pour un échange d’expériences en matière de contrôles des flux d’immigration clandestine *10-11 juillet 2006 Conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement à Rabat. *14-15 septembre 2006 Assemblée générale de l’ONU à New York. Dialogue prévu sur les migrations internationales et le développement. Cérémonie des traités en marge de l’AG sur le thème “Franchir les frontières”.