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ou l'expression calligraphique en musique d'un citoyen français de culture musulmane…

L'homme a le regard digne. Son oeil est imbibé d'une sensibilité aiguë doublée d'une intelligence vive. Il n'est ni homme à courber l'échine, ni à se montrer comme star parce que justement il en est une. Mais l'univers strass et paillettes, il n'en a cure. Il le laisse aux autres. Il le chante même ou plutôt le rape " je suis trop normal pour être une star " Seul "l'essentiel des choses " suscite son intérêt. Cet "essentiel " qu'il tient tant à transmettre à ses enfants.

La bande originale du succès cinématographique Taxi de Luc Besson c'est lui. Celle des Rivières pourpres de Mathieu Kassovitz, c'est toujours lui. Des tubes comme "une femme seule" véritable hymne à toutes les mères du monde, "Le feu" qui réunit en une ferveur sportive les supporteurs d'une équipe du côté de la Cannebière, c'est encore lui.
L'homme a du talent et surtout des idées claires, précises et sans détour. Un public connaisseur, passionné de musique hip-hop et de rimes l'a érigé sur une pyramide haute. Et ne tient nullement à ce qu'il en redescende. Cet homme est aujourd'hui connu sous le nom d'Akhenaton. En hommage au seul pharaon monothéiste de l'histoire.
Dans ses studios sur les hauteurs de Marseille, presque retranché en ermite, l'homme est un passionné de travail, on ressent presque une gêne quand il coupe ses machines à cracher du son, met de côté ses textes pour évoquer ce qui lui tient à coeur. Akhenaton ne nous dissimulera pas son plaisir quant à sa rencontre avec La Medina, il peut s'exprimer librement en étant sûr que sa pensée sera sans doute comprise et nullement galvaudée.
Désormais père, l'artiste baigne dans la sérénité et goutte visiblement aux délices de la maturité. Exit la colère, à laquelle succède l'indignation qui pousse à la réflexion. Ses idées se sont développées par des lectures pointues et une observation lucide du monde. Il son admiration pour Malcolm X, Mohammed Ali et Khaled Ibn Al-Walid. Leur démarche spirituelle est assez proche de la sienne.
Une foi mystique, tournée vers le modernisme, l'anime. Il n'hésitera pas à nous parler de sa conversion à l'islam, il y a neuf ans de cela. Il s'en souvient encore avec forte émotion. Mohammed Hamidoullah, auteur d'une des traductions les plus brillantes du Coran en assura la cérémonie à la mosquée parisienne Dawa beaucoup plus connue comme " Mosquée Stalingrad ".
Mais, précise Akhenaton, cette conversion n'est point rupture mais continuité dans le sens où l'islam reconnaît comme principe de foi Jésus-christ et la Vierge Marie. Enfant, adolescent, il a en effet baigné par sa mère du côté de Naples dans un univers catholique bien que communiste.
Toutefois, la richesse du clergé dans des villages précaires et pauvres le scandalisait. Les interrogations philosophiques, existentielles, lourdes de sens se firent plus précises, plus imposantes. Commença alors pour lui, une longue et éprouvante quête où la lecture notamment l'orienta vers l'islam. Akh cite Maurice Bucaille et son La Bible, le Coran et la science
En ce sens, l'artiste précise que sa lecture du Coran est souvent source d'inspiration et de création. Son dernier album Sol invictus soleil invincible puise dans le livre saint, mais c'est à celui qui l'écoute de chercher le sens caché d'une inspiration puisée dans le Coran mais aussi dans la littérature mythologique arabe: les séances d'Al-hariri, les Mille et une nuit…. Akhenaton rapproche son acte d'écriture créatif, de celle du calligraphe mystique à qui on confie l'Alhambra. Et qui, d'un point noir trace des arabesques que chacun pourra lire et interpréter à sa guise.
En un autre registre, Akhenaton ne serait pas Akhenaton sans sa présence dans la problématique sociale de la cité et son engagement pour des causes justes. Cependant, avoue -t-il, les désillusions sont grandes les coups bas de ceux qu'on veut aider font encore plus mal et si le spleen du chanteur engagé l'atteint : "j'porte trop de chagrin pour mes épaules" et le pousse à plus de recul, il y gagne superbement en maturité.
Les politiciens, selon sa propre expression, l'horripilent. Il voit dans la plupart d'entre eux des " carriéristes " qui viennent le voir à la veille de chaque élection et regrette que le vote blanc ne compte pas double car il pourrait faire réfléchir.
Mais le fait qui l'indigne par-dessus tout, c'est la grande méconnaissance qu'ont les médias de l'islam. Et la façon avec la quelle, tout ce qui a trait à l'islam est galvaudé entre clichés et parti pris.
" Parce que je suis musulman, toute la presse voulait venir me demander ce que je pense des évènements du 11 sept, j'ai refusé net, c'est hallucinant. Il n'est nullement demandé à d'autres chanteurs qui sont d'autres confessions ce qu'ils pensent de la politique israélienne en Palestine ou des bombes qui explosent en Irlande. Pourquoi vient-on me le demander à moi ???", S'indigne Akh.
Et son indignation ne s'arrête pas là, il retient de mémoire un journal télévisé dans lequel d'une façon machiavélique, les reportages sur le terroir alternaient avec ceux sur l'insécurité et qui en fin de compte délivraient le message suivant : le terroir est bien, c'est chez nous, l'insécurité c'est les autres qui viennent empiéter sur notre terroir! "Les médias et beaucoup de politiciens n'hésitent pas à associer l'insécurité aux arabes puis par extension à l'islam. Le problème qui est social avant tout est déplacé d'une façon hallucinante sur le terrain de la culture, de l'ethnie et de la religion. Remplissez les quartiers bien défavorisés de Russes, de chinois, de Mexicains ou de qui vous vous voulez et vous aurez une délinquance ou ses acteurs principaux appartiendront à cette ethnie… L'insécurité et la délinquance est sociale avant tout, elle a existé en France au début du siècle, de la même façon qu'elle existe dans beaucoup de pays développés aujourd'hui", résume Akhenaton avant de fustiger ce que certains fomentent comme projet à l'adresse des cultures musulmanes par le concept de l'intégration, qui n'est dans la tête de ceux qui le pensent que le synonyme de l'assimilation et l'annihilation de la culture d'origine. Tout comme le qualificatif " beur " qu'Akhenaton définit comme " une plaquette de 250 grammes qu'on met au frigo et qui sert à faire le petit déjeuner ! " Avant de poursuivre:
" Une certaine frange de la population française a tellement galvaudé le terme " Arabe " qu'elle a réussi à le rendre péjoratif. Il faut rendre à ce terme sa noblesse et le rattacher à Averroès, à Avicenne, à Cordoue et à toute la civilisation arabe dans ce qu'elle recèle de beau et de noble "
En ce contexte, Akhenaton pense sérieusement organiser avec d'autres célébrités de culture musulmane une soirée thématique au cours de laquelle l'islam pourra être présenté par les intéressés eux-mêmes. Une soirée au grand impact. " Combien de fois a-t-on programmé " Les dix commandements ", des centaines de fois, combien de fois a-t-on programmé "Le message" pratiquement jamais"
Le cinéma est d'ailleurs l'autre passion d'Akhenaton. Mais, s'il a été acteur dans son film " Comme un aimant " qu'il a co-réalisé avec Kamal Salah, il avoue qu'en tant qu'acteur, il a d'ores et déjà fait son jubilé. Mais, l'écriture scénaristique l'intéresse vivement, d'ailleurs, un thriller historique est en cours d'écriture.
"Citoyen français de culture musulmane d'origine italienne, marocain et maghrébin de par sa femme, marseillais, méditerranéen, européen et totalement orienté vers l'universel". C'est ainsi que se définit Akhenaton.
Il n'est qu'à l'aube de son talent et sans aucun doute le meilleur de lui est encore devant lui. Logique ! Puisque du haut de ses 33 ans, il a survécu à celui dont il porte le nom le pharaon Akhenaton, mort lui à l'age de 32 ans. Longue vie Akhenaton !