S'il est d'abord un plaidoyer scientifique en faveur de l'action contre le réchauffement de la planète, le documentaire ""Une vérité qui dérange"", sorti le mercredi 11/10/06 en France, est aussi le récit de l'engagement de son narrateur, Al Gore. Mais l'ancien numéro deux de la Maison blanche, qui avait perdu d'un cheveu la présidentielle américaine de 2000, a plusieurs fois répété que ce film n'était en rien le tremplin de ses ambitions politiques.
Et, malgré les appels du pied de certains de ses camarades du Parti démocrate, il soutient n'avoir aucune visée sur le Bureau ovale.
""J'ai trouvé d'autres façons de m'engager et j'aime ça"", explique-t-il.
Dans ""Une vérité qui dérange"", le réalisateur américain Davis Guggenheim a mis en images une des nombreuses conférences données par Gore sur la thématique du réchauffement climatique.
Schémas à l'appui, l'ancien vice-président y livre une somme d'informations sur les origines du dérèglement climatique et, surtout, sur ses conséquences.
Des films et photographies intercalés viennent illustrer son propos, montrant ici la fonte des neiges du Kilimandjaro, là le recul des glaciers de Patagonie. ""Nous sommes en situation d'urgence planétaire"", estime Al Gore.
MANHATTAN SOUS LES EAUX Le diagnostic est connu. Rare sont désormais les scientifiques qui osent remettre en question l'hypothèse d'un réchauffement global lié à l'effet de serre et aux gaz à effet de serre principalement rejetés par les activités humaines.
Gore détaille les implications de ce phénomène inédit dans l'histoire humaine. Il ne fait selon lui aucun doute qu'il s'accompagnera d'une intensification des épisodes météorologiques extrêmes, comme l'ouragan Katrina qui a ravagé la Floride à l'été 2005, et d'une montée du niveau des océans en raison de la fonte des calottes polaires et des glaciers.
L'ancien vice-président évoque une possible élévation de 6 mètres du niveau des mers. Des simulations informatiques présentent le nouveau visage du littoral chinois ou de la région de Calcutta sous les eaux. Manhattan serait à moitié noyé.
Ralph Cicerone, le président de l'Académie nationale américaine des sciences, a confié à Reuters avoir aimé le film, en reprochant toutefois à Gore de tenir pour établi que le réchauffement climatique entraînera nécessairement une propagation des maladies comme le paludisme, ce qui serait contesté par certains scientifiques.
""Les parties scientifiques du film qui sont les mieux traitées sont selon moi celles sur la banquise et les glaciers"", a-t-il jugé.
Présenté au festival de Sundance, puis à Cannes, le documentaire a été salué par la critique. Produit par Participant Productions, une société habituée à financer des oeuvres politiques, et qui compte notamment ""Syriana"" ou ""Good Night and Good Luck"" dans son catalogue, ce film a été largement vu aux Etats-Unis et engrangé plus de 20 millions de dollars de recettes, une performance rare pour un documentaire.
NE PAS CROIRE ""QUE LE PROBLEME NOUS DEPASSE"" ""Mon objectif (aux Etats-Unis) est de provoquer un déclic, de faire que les hommes politiques des deux bords débatent pour trouver de vraies solutions, et de changer l'opinion des Américains pour qu'ils demandent des actes"", dit Gore, engagé de longue date dans la question climatique.
En 30 ans, soutient-il, il a présenté plus d'un millier de fois ses diapositives sur le sujet. En tant que vice-président, il avait participé à la rédaction du protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre que 132 pays ont ratifié, mais pas le sien.
Après son arrivée à la Maison blanche en 2000, George Bush a annoncé que les Etats-Unis ne ratifieraient pas Kyoto, en expliquant que ce traité était contraire aux intérêts de l'économie américaine.
Mais les choses changent, selon Gore, convaincu que le président tempérera bientôt son intransigeance en matière climatique.
""Nombre de ses partisans sont en train de changer d'avis et lui demandent de faire de même"", avait déclaré Gore en Norvège en septembre lors de la promotion de son film.
L'humanité n'a peut-être plus qu'une dizaine d'années pour réagir avant de franchir un point de non retour. Mais Gore est persuadé que la bataille de l'opinion peut être gagnée.
""La dernière erreur, explique-t-il dans le documentaire, consiste à admettre la réalité du problème mais à croire qu'il nous dépasse. Il y a des tas de gens qui vont directement du déni au désespoir sans passer par l'étape qui consiste à agir pour résoudre ce problème." "Nous en savons déjà bien assez pour nous attaquer directement à cette question."