Le vieillissement des Marocains de France, qui se retrouvent parfois démunis de toute considération, est un phénomène largement préoccupant en soi. Et pourtant, ce n’est là qu’un arbre qui cache cette forêt qu’incarne aujourd’hui la situation des personnes âgées de l’Hexagone en général. On serait injuste avec moi, si on laissait entendre que ce propos ou plaidoyer pour une politique d’action en direction des personnes âgées de l’immigration ne concerne que les vieux marocains. Des années durant et sans exclusive aucune, mon regard s’est porté sur toutes ces personnes venues d’ailleurs et rattrapées par le vieillissement dans l’hexagone en France. Seul un constat du moment, attentif à des dynamiques politiques et, pour tout dire, un peu plus d’attention de la part de certains pays d’origine à leurs propres ressortissants vieillissants, aux affres et aux difficultés diverses qu’ils rencontrent pour vivre sereinement ici ou ailleurs, le justifie. Reste à dire que si mon adhésion à ce fait est acquise, si mon optimisme est total, mon enthousiasme est tempéré et jugé à l’aune de la manière dont les espérances de tous ces sans voix sont et seront ou non prises en compte.
Oui, il faudrait inscrire aussi tous ces vieux Marocains qui vivent en France, avec ou sans famille, dans le champ de ces initiatives nationales de politique sociale en direction des vieux, des handicapés, des pauvres et des mal logés. Bref, faire de leurs problèmes, des préoccupations parmi tant d’autres que nous avons le devoir moral et politique de prendre en compte, et d’aider à leur résolution.
On n’a que trop livré les gens à leur propre situation dès lors qu’il s’est avéré qu’ils vieilliront ailleurs, qu’ils consommeront ailleurs et autrement, qu’ils se soigneront ailleurs et que l’on avait de moins en moins de contrôle sur leurs retraites, leur argent. Tout ceci par de subtiles propos comme la neutralité ou la non ingérence. Quelle ingérence y a-t-il lorsqu’on parle de convention bilatérale de sécurité sociale et d’accord de coopération en la matière entre pays ; lorsque ceux dont nous parlons aujourd’hui sont ceux-là même qui ont quitté le pays jadis, avec l’assentiment du pays d’origine ; ceux-là mêmes qui des décennies durant ont alimenté la balance de paiement de leur pays en devises par des transferts réguliers avant que leur immigration ne prenne une autre tournure, sous le poids des transformations sociales, familiales qu’elle a connu. Et somme tout une situation qui semblait prévisible dans toutes les projections démographiques et analyses statistiques attentives aux mouvements migratoires et aux issues multiples de ces derniers ; sauf chez les politiques qui ont fait de la vie des gens, ces gens-là, tantôt un enjeu de politique interne et tantôt un enjeu international ; comme si l’instabilité affective et psychologique dans ces choix ou non-choix même de vieillir ici ou ailleurs ne suffisait pas pour être livrée encore à un manque de lisibilité politique.
Je persiste à dire et à souligner à chaque fois que toute politique qui fait mine d’ignorer ou qui ignore volontairement, les possibilités d’action que l’analyse du terrain lui offre dans un souci scientifique et rien d’autre, doit s’interroger sur sa responsabilité dans le malheur des gens.
Selon les estimations actuelles sur l’immigration, le nombre d’anciens travailleurs marocains qui demeurent en France pour y vivre leur retraite, a progressé aussi comme celui des anciens travailleurs immigrés algériens ou portugais. Si les vagues migratoires très anciennes (polonais, italiens,…) ne semblent pas susciter d’interrogations particulières au sujet de l’intégration de ces personnes en France, il n’en est pas de même au sujet des mouvements migratoires plus récents, issus pour l’essentiel d’une émigration de travail souhaitée, au départ, temporaire et provisoire, mais qui, au prix de transformations diverses (fixation de plus en plus longue, enracinement dans les régions d’implantation ou d’accueil, regroupement des familles, naissance d’enfants dans l’immigration) s’est enracinée dans l’hexagone.
Ce phénomène s’est en effet amplifié au cours des dernières décennies soulevant ainsi les questions de la retraite dans l’immigration, du vieillissement des populations immigrés et de leur place dans les dispositifs publics d’ensemble de prise en charge ou d’aide aux personnes âgées.
L’âge avancé, la retraite et la fixation des populations marocaines en France, amènent donc des préoccupations autres, comme l’accès aux services, les aides et prestations aux personnes âgées, le logement et sa capacité à favoriser un maintien à domicile, une plus grande implication de la prise en compte des gens âgés dans les actions gérontologiques préventives et de lutte contre l’exclusion, l’isolement ou encore la solitude.
En France, l’accès à toutes ces aides est en principe ouvert sans distinction, aux immigrés marocains âgés comme aux autres. Mais Les modes de vie des gens, leurs habitudes, leurs choix ou leurs contraintes, leurs conditions de logement et de ressources sont des paramètres à prendre en considération et à maîtriser pour sauver la mise en cas de besoin.