Tel Sisyphe, le Conseil français du culte musulman (CFCM) ne cesse d’escalader pour mieux chuter. Mais cette fois-çi la chute est des plus risibles. Vendredi 24 mars, deux des principales fédérations qui composent le CFCM, la Grande Mosquée de Paris (GMP) et la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), ont annoncé leur décision de «suspendre leur participation» à l'instance représentative musulmane en raison de «graves dissensions». Même Nicolas Sarkozy y perd son latin. Le Ministre de l’Intérieur avait réuni Place Beauvau des représentants musulmans du CFCM pour tenter de débloquer une situation qui paralyse depuis des mois l’instance. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur semble faire fi des désaccords qui l’opposaient à Mohammed Béchari, l’actuel président de la FNMF en le soutenant face à des détracteurs de plus en nombreux. Béchari, l'actuel président, est contesté par une frange importante de son mouvement. Dans un communiqué, certains membres ont dénoncé « avec force l’attitude de M. Bechari qui démontre une fois de plus sa manière de gérer la FNMF, sans respect de ses statuts et sans l’avis de son Conseil d’Administration ». Au point que les dissidents se sont regroupés au sein d’une nouvelle composante, le Rassemblement des musulmans de France (REC) pour notamment se démarquer de Béchari. « Ce groupement n’est pas une nouvelle fédération. Nous avons constaté des irrégularités comme le non respect des statuts. Béchari et le GMP veulent prendre des décisions sans nous consulter. Le REC dit le CFCM c’est pas vous !, c’est tout le monde », revendique le président du REC Abderahim Barkaoui très en colère. Lors de la dernière élection du CFCM en juin dernier, des membres ont été élu mais « personne n’a élu Béchari !» s’indigne Anouar Kbibeche, le président du CFCM d’Ile-de-France Est et membre du REC. Mais Béchari refuse de reconnaître le résultat de ce scrutin. Quant aux anti-Béchari, ils contestent sa représentativité et sa légitimité. La situation est bloquée une fois de plus. Un des membres du GMP impute la responsabilité de cette crise aux tensions au sein de la FNMF : « C’est un problème interne à la FNMF ». Guerre des chefs à la FNMF est l’explication que semble donner la GMP. Le REC considère que les raisons de la colère relèvent d’un problème plus global. Chacun se renvoie la balle. En vain. Pourtant, Dalil Boubakeur soutient Béchari. D’aucuns y voient un mariage entre la peste et le choléra. Une alliance que certains considèrent de circonstance résultante de calculs en vue des élections présidentielles de 2007. En tout état de cause, cette énième crise met en évidence un certains nombres de problèmes. La mauvaise gestion de l’islam de France, le déficit de la conscience politique chez certains dirigeants incapables de respecter les statuts. Le manque de débat au sein du CFCM victime d’un tribalisme d’un autre temps est loin des préoccupations des Musulmans de France.