Etablir la confiance est la première priorité d'Hassan Ben M'Barek, qui sillonne les cités pour convaincre les jeunes de banlieues de s'inscrire sur les listes électorales avant leur clôture à la fin du mois.
""Cela ne peut être fait que par des associations qui ont des liens dans les quartiers"", insiste-t-il. Ce jour-là, au pied des barres du quartier de La Sablière, à Villeneuve-La-Garenne, dans les Hauts-de-Seine, le contact s'est noué facilement parce qu'Hassan Ben M'Barek compte dans ses relations un ami du groupe de jeunes qu'il a abordé. Le fruit de 20 ans d'engagement dans les quartiers, plus que du hasard.
""Citoyenneté et démocratie"", l'association qu'il préside, s'est fixé pour objectif de visiter 50 Zones urbaines sensibles (ZUS) dans toute la France pour convaincre les jeunes de s'inscrire sur les listes électorales.
""Certains hommes politiques soutiennent que les jeunes de banlieues ne s'intéressent pas à la politique "", explique-t-il au petit groupe croisé en bas des immeubles de La Sablière.
""Nous voulons leur prouver qu'il y a au contraire des gens qui veulent s'engager dans les cités."" La curiosité aidant, ils sont bien vite une quinzaine autour des trois membres de ""Citoyenneté et démocratie"".
Tous ne sont pas inscrits. Certains prétextent un manque de temps, d'autres concèdent une ""flemme"". L'un, encore mineur, se dit ""content de ne pas avoir à voter"", tant l'offre politique lui semble confuse. Privé par la justice de ses droits civiques, un autre devra passer son tour lors des scrutins de 2007.
CREER UN RAPPORT DE FORCE En dix minutes, cinq jeunes auront cependant rempli et signé, contre le capot d'une 206, autant de procurations.
Car s'ils ne prennent pas le temps d'aller en mairie pour s'inscrire, Hassan Ben M'Barek le fera pour eux. Tout est prévu, jusqu'à la photocopieuse que transporte Fouad Belmessaoud, son acolyte, afin de joindre une copie des papiers du demandeur.
""S'il n'y a pas la relation de confiance, ils ne te sortent jamais leur carte d'identité"", confie Hassan Ben M'Barek.
Dans chaque ZUS, ""Citoyenneté et démocratie"" compte sur des ""relais"" qui devront récupérer les justificatifs de domicile et glaner d'autres procurations, une fois le premier contact pris.
L'objectif est d'en récolter 5.000 dans les 50 quartiers.
Originaire de Gennevilliers, Hassan Ben M'Barek, 40 ans, a passé la moitié de sa vie au sein d'associations de banlieues.
Son réseau lui a valu de faire partie des responsables associatifs invités en octobre à Matignon pour ""faire un point"" avec le Premier ministre, un an après les violences urbaines.
Il dit ne rouler pour personne pour la présidentielle. Mais il veut présenter des listes aux municipales de 2008. A l'en croire, résoudre les problèmes des banlieues passera nécessairement par une représentation plus grande des habitants des ""quartiers"" dans les conseils municipaux.
Dans l'immédiat, son objectif est de créer un rapport de force: si les jeunes de banlieue pèsent dans les urnes, les hommes politiques seront bien obligés de les écouter.
""ON VOTERA POUR LE MOINS PIRE"" ""Le but est d'amener les jeunes à prendre conscience que la politique peut être le vecteur de leur destin"", explique Abdel Aït-Omar, le ""relais"" de ""Citoyenneté et démocratie"" à Villeneuve-la-Garenne.
Selon ce doctorant en sciences politiques de 26 ans, la plupart des mairies n'ont jamais axé leurs projets sur ce que voulaient vraiment les jeunes des quartiers.
""Ouvrir des studios de rap et organiser des tournois de foot avec des stands de merguez/frites, ce n'est pas ce que l'on demande"", s'insurge-t-il. ""Il faut que les jeunes accèdent à des postes clés et à des formations clés"".
Au pied des barres de La Sablière, aucun des candidats à la présidentielle ne suscite vraiment l'enthousiasme.
Perçu comme l'élément déclencheur des ""émeutes"", Nicolas Sarkozy concentre toutes les insultes. Personne n'évoque le nom de Jean-Marie Le Pen qui, sur l'ensemble de la ville, était pourtant arrivé deuxième du premier tour en 2002 derrière Lionel Jospin, mais devant Jacques Chirac. L'abstention avait été de 41,6%, soit 13 points de plus qu'au niveau national.
""On votera pour le moins pire"", promet Jamel, 25 ans. ""Pour le moins pourri des pourris"", surenchérit son copain Sofiane, 24 ans. ""Si c'est Sarkozy, tout va empirer. On a vu le bordel que c'était alors qu'il était juste ministre"".
En un après-midi dans les rues de Villeneuve-la-Garenne, l'association aura récolté les procurations de plus d'une dizaine d'électeurs potentiels. Mais d'aucune électrice. (Reuters)