Le premier ministre Jean Pierre Raffarin lance aujourd’hui à l’Académie des Sciences Morales et Politiques les commémorations de la loi du 9 décembre 2005, loi dite loi de séparation entre les Eglises et l’Etat. Philippe Hadad, le Rabin des Ulis dans l’Essonne (91) appelle à une solidarité interreligieuse. Je ne suis pas Musulman, je suis Juif. En fait, quel que soit le contenu attaché à ce terme - et Dieu sait, s’il est encombré de fantaisies, de fantasmes et d’approximations - j’essaye d’être Juif. Car il suffit d’être plongé au cœur de la foi d’Israël pour se rendre compte, que Juif est un titre à acquérir dans une tension permanente vers Dieu et vers le prochain. Chaque année, le jour de Kippour, la communauté juive demande à l’Eternel de lui pardonner de n’avoir pas été à la hauteur de sa judéité. L’homme n’est jamais une fois pour toutes, il le devient à l’aune de son effort pour l’être.
Pour moi, être Juif, cela signifie, en particulier, être engagé dans le dialogue avec l’Autre, croyant ou non-croyant. Cela implique de garder une vigilance face à la souffrance, face à l’injustice, face aux extrémismes aussi.
L’une des questions qui ne peut laisser insensible le Juif est celle de la condition musulmane, en France, aujourd’hui. Comprenons-nous bien, il ne s’agit pas pour moi de s’immiscer dans les affaires privées d’une communauté qui se structure, mais de poser quelques principes, à la fois religieux, inter-religieux, éthiques et citoyens.
Or, où le musulman peut-il puiser aux racines de sa foi et transmettre à sa jeunesse ce qui constitue ses valeurs fondatrices, si ce n’est dans un lieu de culte, une mosquée digne de ce nom. Je suis d’autant plus sensible au problème, que dans les années 60, les Juifs venus du Maghreb se trouvèrent confronter à la même problématique. Ainsi des synagogues virent le jour dans les grandes villes de France (Paris et région parisienne, Marseille, Toulouse, Strasbourg, etc.). Il est vrai aussi que des synagogues, souvent de très beaux monuments par ailleurs, existaient déjà depuis le XVIIIème siècle ou le XIXème, voire avant, c’est-à-dire avant la loi de séparation entre les Eglises et l’Etat. Ce que le monde musulman français ne peut revendiquer.
Bref, pas de dignité religieuse, qui est dignité citoyenne, sans un lieu de culte digne de nom. Cela doit être dit, clairement, par tout individu qui se réclame d’une laïcité authentique.
Reste la question budgétaire. Peut-on penser un financement respectueux des principes de séparation de la loi de 1905, sans aller chercher les fonds hors de France ? En posant ainsi la question, je reconnais offrir une valeur à la loi sur la laïcité. C’est qu’à mon sens, elle garantit le vivre ensemble. En faisant du culte une affaire privée, elle ne dévalorise pas la religion, elle offre un espace neutre qui peut ouvrir à toutes les rencontres, même (surtout) les rencontres inter-religieuses. N’est-ce pas sous son chapeau que des Juifs, des Chrétiens, des Musulmans et d’autres se retrouvent pour élaborer un discours fidèle à leurs propres racines, et respectueux de la foi de l’Autre ?

Une suscription des croyants et non-croyants pour qider l'islam


Ma solution, qui vaut ce qu’elle vaut, serait une souscription des croyants, toutes tendances confondues, voire des non-croyants, pour aider l’islam. Ce serait à la fois un acte de solidarité, de fraternité et de citoyenneté.
Pour les aspects pratiques, une association créée à cet effet récolterait les fonds à distribuer au prorata des demandes.
Deux événements ont marqué ce début de XXIème siècle : l’attaque des tours de New York et la tragédie causée par le Tsunami. Si le premier fait fut marqué par la stupeur générale, le second engendra un élan de solidarité internationale. Je veux croire que ce second geste peut inaugurer l’espérance d’une concorde universelle. Et celle-ci ne peut commencer que par ma manière de me comporter avec mon voisin proche.

Philippe Haddad
Ecrivain et officiant de synagogue.