Pour être confirmé dans mon identité, je dépends entièrement des autres. Hannah Arendt
On y est ; le champ jusqu’alors universitaire est sur la table publique, politique et médiatique.
D’emblée, c’est un défi à la mesure du XXIème siècle qui nous attends. Imaginez un monde apaisé où le mot identité, et plus encore les mots culture, religion et tradition convergeraient vers un sens certes non uniforme, mais fédérateur. Utopique ? Probablement. Mais le temps de la polémique stérile est révolu. Un débat dynamique, prospectif et pacifié s’impose. La maison identité n’a jamais fini d’être construite, mais elle est toujours prête à être habitée. A l’image de concepts comme culture ou civilisation, le mot identité a perdu en clarté ce qu ‘il a gagné en audience. Le prix du « succès » en quelque sorte !
Qu’en est-il chez nous? Le débat identitaire s’articule globalement autour de deux pôles : moderne et traditionnel. Ce couple en vient à être constitutif de l'Etre Maghrébin en général et Marocain en particulier. C’est plus en terme d’alternances successives que d’opposition qu’on devrait l’aborder. L’émergence de revendications, autant que de crispations identitaires, un peu partout dans le monde interpelle tous les intellectuels et tous les responsables dans la plupart des pans de la société.

La réflexion sur la crise identitaire, plus communément appelée crise de l’identité culturelle, a pris deux directions, pas forcément contradictoires. La recherche identitaire individuelle, que l’on retrouve chez les écrivains, francophones en particulier ; elle essaie de négocier au mieux cette double appartenance culturelle et linguistique. La crise du « moi » et la recherche de soi, amène une réflexion profonde, souvent acerbe et critique sur la société d’origine (Chraïbi, laâbi, Khatibi, Ben Jelloun, Laroui…). On y retrouve souvent nos travers, nos questions. Le public européen s’habitue à nos subtilités mouvantes et a souvent envie de mieux s’y retrouver, donc d’échanger. La deuxième recherche identitaire traite de la société ou de la collectivité. Plutôt la panacée d’universitaires jusqu'à ces derniers temps, elle a toujours essayé de faire un diagnostic de nos maux pour mieux les comprendre et y remédier. En plaçant les faits dans un cadre sociologique, historique et politique, les intellectuels ont joué un rôle prépondérant dans l’évolution de cette question épineuse.

La question identitaire, et donc le choix de société, s’impose comme elle impose aux politiques, à la société civile et aux médias de s’y investir. Le Maroc, pays séculaire, est aujourd’hui un pays jeune et de jeunes ; un pays qui n’a pas peur d’assumer ses composantes culturelles, telle l’amazighité, et de traiter avec sérénité la place de la femme et de la famille dans la société à l’image du nouveau code de la famille. Toute personne sensée a envie de gagner la bataille de l’avenir. Gagner oui, mais avec des gens constructifs, des gens de notre temps qui ne peuvent être des nostalgiques castrateurs ni des éradicateurs de valeurs ancestrales. L’approche doit être pédagogique et porteuse d’un projet qui n’exclut personne, et inclure comme valeurs directrices la culture des droits de l’Homme, de la démocratie et de la paix.
On ne peut pas faire l’économie de l’élargissement de notre réflexion, de notre vision et de nos projets à notre communauté installée à l’étranger. Celle-ci, et surtout la deuxième génération, a besoin d’un socle et d’un pôle de référence qui prône une approche ancrée dans l’Histoire, apaisée et pacifiée, ouverte et tolérante en matière de croyances, donc d’Islam. Cette approche a toujours été la tradition marocaine dans tout ce qui a trait à la religion. Ce lien ainsi établi permettra de créer une dynamique de communication et de rencontre forte et respectueuse autant de son vis-à-vis que de son prochain ; chacun y trouvera son compte.
Et l’école dans tout cela ? Dans le monde hyper-médiatisé d’aujourd’hui où le jeune est confronté, via les nouvelles technologies de l’information (internet, la télévision…), à de multiples messages, souvent contradictoires, des fois manipulateurs, l’école est et restera un lieu privilégié d’apprentissage et de savoirs mais aussi de contribution essentielle à la formation de l’identité du jeune. Donc, l’école, par le biais du contenu et des valeurs qu’elle transmet, doit s’intégrer dans la vision globale du pays en matière de culture et de civilisation. L’Observatoire des valeurs s’inscrit dans cette optique.
Les politiques, la société civile, la famille et tout un chacun, sont acteurs et responsables de la société et donc de l’identité dans laquelle nous voulons nous mouvoir. C’est un challenge qui n’est pas de tout repos mais qui reste excitant pour tous ceux qui aspirent à un dialogue fait d’échange et d’écoute, préambule au jeu de miroirs des temps modernes : le dialogue des cultures.