Une compréhension véritable du Coran ne peut s’accomplir sans rendre compte du message initial que le Révélateur du Texte voulut faire parvenir aux humains. En rendre compte, signifiera notamment en sonder la portée, en termes de prédications, d’ordonnances et de prohibitions. Il est indéniable que la pratique du texte coranique est de nature à favoriser un sentiment d’assurance et de quiétude, temps il y est question d’une révélation qui traversa les siècles sans avoir à éprouver le moindre remaniement. Le langage peut rester sans atteinte : aucune sourate, aucun verset, aucun mot ne fut frappé ni d’amendement, ni d'amputation, c’est une certitude. Cependant, une compréhension véritable ne peut s’accomplir sans rendre compte du message initial que le Révélateur du Texte voulut faire parvenir aux humains. En rendre compte, signifiera notamment en sonder la portée, en termes de prédications, d’ordonnances et de prohibitions.
Il n’est point de nos desseins, dans la perspective qui nous importe ici de nous attarder sur les lectures erronées qui rendent improbables toute intellection fondée du texte. C’est immanquablement, que perversion et sectarisme conduisent quelques schismatiques à suspendre tout sens intelligible du Coran en tant que discours à l’adresse de l’ensemble de l’humanité au profit de prétendues significations ésotériques dont ils seraient exclusivement les dépositaires. Cependant, malgré la fréquence historique de telles entreprises dont l’ambition ultime est de saper la révélation, le texte n’en est pas moins intact. Ainsi, semblable surenchère ne put avoir raison d'une révélation dont la protection est assurée par le révélateur.
En revanche, c'est à une pratique judicieuse du texte coranique que s’attachera le présent propos. Il est à la rencontre de musulmans ou non dont la visée est de mieux saisir le dessein divin sous jacent au texte dans l’objectif d’en cerner la véritable signification.
Or, dans cette optique, sur laquelle se porte tout notre intérêt, les difficultés majeures sont, souvent dues à deux types d'approches :

1-La première est celui des démarches exclusivement philologiques. Il s'agit de lecteurs ayant une grande maîtrise de la langue arabe mais considérant qu'une telle compétence leur suffit dans la mesure où le Coran fut révélé en arabe.
2- Dans le deuxième type, l’approche fragmentaire, tributaire de la linéarité exégétique prend le dessus. Le lecteur s'y attache, verset par verset, aux dires des commentateurs du Coran, - lesquels dires sont subordonnés à l’ordre distributionnel des sourates au sein du " Mushaf "
De pareilles approches ne peuvent que conduire à des conclusions insuffisantes voire, quelquefois, erronées.
D'une part, les compétences linguistiques du lecteur contemporain ne sauraient à elles seules, rendre compte de toutes les subtilités du langage coranique. De même que l'intelligence de bien des faits relatés dans le Texte est sujette à leur historicité et demande, en conséquence, à ce qu'ils soient replacés dans la contexture évènementielle à laquelle le Coran fait allusion. Autrement dit, il faut se rapporter à ce que les exégètes, appellent les raisons de révélation. Comment à titre d'exemple, s'atteler sur les premiers versets de la sourate La lumière (XXIV) sans être au courant des données de l'affaire dite de "1'’ifk" la calomnie démentie ? Comment appréhender la sourate Les coalisés (XXXIII) sans faire appel aux événements qui caractérisèrent l'expédition qui porte le même nom que cette sourate ?
D'autre part, l’approche fragmentaire, quant à elle, ne pourra fournir autre chose que des perceptions décousues. Le lecteur y est souvent incapable de synthétiser. Toute relation, entre des propos coraniques pouvant se préciser à des endroits divers du "Mushaf" tout en étant relatifs à un thème commun, est susceptible d'échapper aux adeptes de l'approche fragmentaire. Cela apparaît encore plus vrai, quand on songe qu’autour du même thème, les propos coraniques peuvent se présenter tantôt sous forme sommaire tantôt sous forme développée. Au même titre, la signification d'un mot ou d'une locution peut être générale ou particulière suivant les contextes. Un thème qui bénéficie d'un long développement n'est pas nécessairement exempt d'abrogations qui pourront surgir dans un autre passage du texte.
La mise en relief d'aspects différents relatifs à une même thématique, au sujet d'une prescription comme au sujet de récits coraniques, explique souvent leur dispersion en plusieurs endroits.
Chaque aspect du récit ou d'une prescription fait au moment opportun, l'objet d’une mise en relief particulière. Et la prise en compte de ce procès coranique est nécessaire pour ne pas tomber dans l'illusion de contradiction qui rend le texte inintelligible.
Ainsi, 1’intellection du Coran ne pourra être le résultat d'une démarche, monoculaire, exclusivement philologique ou exclusivement fragmentaire. Elle ne procédera que de la conjugaison de maints éléments dont notamment

1 L’intelligibilité du texte coranique dépend en premier lieu de la capacité de se soustraire à ses propres préjugés, aux idées préétablies, aux positions idéologiques ou partisanes, ainsi qu’à toute démarche fantaisiste. La volonté vicieuse de projeter sur les versets coraniques bien des significations que l’usage de la langue arabe ne peut permettre est une manie à bannir. C'est l’honnêteté intellectuelle et le désir loyal de connaître qui sont les véritables garde-fous en la matière.

2 Vient, en deuxième lieu, la maîtrise de la langue arabe. Elle est indispensable, il est nécessaire de dominer les règles morphologiques, syntaxiques et lexicographiques ainsi que les procédés sémantiques, les techniques stylistiques et les canons rhétoriques en usage dans le texte coranique. Il est, à titre d’exemple, impératif de connaître les modalités du littéral et du métaphorique, de l’allégorique et du parabolique, de la polysémie et de la synonymie.
Le lecteur dominant l'instrument linguistique arabe est, à partir du moment qu'il réunit les autres compétences majeures, en mesure de se passer de toute médiation dans son rapport à Dieu, le très sublime.
La révélation divine s'adonne à lui sans besoin d’entremise. Car avant tout, l’islam se distingue d'autres religions par ce fait caractéristique : le rapport de l’homme à Dieu est direct et immédiat et ne passe guère par des tiers et encore moins par des religieux. En contrepartie, dans l’impossibilité de dominer le langage coranique tel qu'il fut révélé en arabe, l'intelligibilité du texte dépend des traductions, auquel cas, l’œuvre des traducteurs prend une place considérable dans la compréhension que peut avoir le lecteur.
Il importe de dire ici que l’apprentissage de la langue arabe n’est guère aussi difficile que le prétend de nos jours une certaine partie des jeunes générations. Son apprentissage est, au contraire, plus facile que l’ensemble des langues européennes.
Depuis bien des siècles, nombre de savants, en diverses disciplines se sont illustrés en langue arabe alors qu'ils n’étaient point arabes. C’est le cas notamment de Boukhari, de Tarmidi, de Sibawayh, de Khawarizmi et de bien d'autres. A l'époque moderne, combien sont les orientalistes qui ont une bonne maîtrise de la langue arabe sans être ni arabes ni musulmans.
Il est toutefois vrai que bien des musulmans francophones, et c'est particulièrement le cas de jeunes gens des nouvelles générations. Ces derniers éprouvent le désir sincère d’avoir une pratique solide du Coran et de ses significations. Détenir une bonne maîtrise de la langue arabe ne peut être le produit d’un apprentissage en hâte. Ce sont les traductions qui s’imposent en pareil cas. Dès lors, il est requis de faire appel aussi bien à des traductions diverses qu'aux commentaires disponibles en langue française. Les interprétations convergentes pourront alors procurer des significations probantes de recherche et de consultations des spécialistes.
Une telle approche comparatiste permettra de faire œuvre de synthèse à travers des efforts des uns et des autres vu que les orientalistes ont rendu quelques significations du texte que certains traducteurs musulmans avaient bien déçu quant à leur maîtrise de la langue française.

3 Il y a lieu, pour terminer, d'avoir une bonne connaissance de l’exégèse scripturaire : l'exégèse rapportée de source garantie par le prophète et celle qui fut transmise, avec certitude, par ses compagnons. Le prophète, prière et salut de Dieu sur lui, fut le premier exégète du Coran de par les réponses et les explications qu'il donna à ses compagnons empressés de s'enquérir du sens de tel ou tel passage dont la visée leur paraissait quelque part difficile au premier abord.
Cependant, il est capital d'avoir à l'esprit que toute exégèse rapportée comme scripturaire ne l'est pas nécessairement. Au contraire, la transmission peu garantie voire apocryphe est beaucoup plus répandue que ce que l’on pourrait croire. À notre époque, le retour au hadith dont la transmission est garantie par des chaînes concordantes est prioritaire à l’étude des ouvrages d'exégèse en usage. C'est également dans le hadith que se découvrent les raisons de révélation qui circonstancient les faits relatés dans le Texte.

4 L'exégèse thématique : la linéarité exégétique traditionnelle, nous l'avons expliquée, empêche d'avoir à l'esprit les différents propos coraniques relatifs au même thème. Celui-ci peut être étalé sur quelques dizaines de passages. Ce qui est abrégé dans un paragraphe peut être développé dans un autre. Le Coran est l'exégèse de lui-même comme on dit habituellement.
5 La démarche critique vis-à-vis des commentaires anciens. Il importe de sonder leurs procédés méthodiques avant de s'attarder sur les contenus de leurs œuvres. Leurs imperfections, leurs orientations idéologiques, leurs positions et manières de voir doivent être pris en compte. L’ascendant, que les préjugés de leur époque et de leur société ne manqueraient pas d’exercer sur eux, doit être soigneusement analysé et dépassé.
C'est ainsi, à notre humble avis que le Texte coranique peut non seulement s’avérer fort intelligible mais sa pratique peut s'exercer de manière nouvelle exhaustive et fructueuse.

Meskin Dow est spécialiste des sciences du Hadith, il est directeur de l’école réussite et secrétaire général des imams de France