Nous vous présentons ici le compte-rendu du colloque : « Rupture avec le passé : fondations pieuses post-coloniales et nouveaux enjeux des waqfs dans les sociétés proche-orientales », organisé à l’IFPO, Damas, Syrie les 24, 25, 26 septembre 2004, avec le soutien d’Islamic Legal Studies Program (ILSP), Harvard Law School, Harvard University et de l’Institut Français du Proche-Orient (IFPO), Damas Au cœur de l’organisation infrastructurelle des sociétés musulmanes depuis l’époque omayyade, composant également important dans la construction, puis l’entretien du tissu socio-religieux des communautés chrétiennes et juives habitant le dâr al-islâm (des communautés chrétiennes continuent jusqu’à nos jours à utiliser l’institution du waqf aux objectifs de culte ou des besoins sociaux), les fondations pieuses, les waqfs, font objet, de plus en plus, des analyses monographiques, tant qualitatives que quantitatives. En outre, vu l’important corpus de recherche publié sur les waqfs depuis une trentaine d’années, les études sur les waqfs commencent à s’exprimer – et il est tout à fait chose souhaitable – dans le cadre de recherches comparatives qui amorcent des travaux analytiques concernant les similitudes ou les divergences quant aux usages de waqf et le droit associé à ces usages dans les sociétés musulmanes en Afrique du nord, au Proche et au Moyen-Orient, en Turquie ou dans les régions européennes, anciennement ottomanes, mais aussi en Indonésie, aux Philippines, etc., ainsi que dans les sociétés chrétiennes en Egypte, en Syrie, au Liban ou en Irak.
Une bonne partie de ces recherches sont rendues possibles par l’ouverture aux chercheurs, surtout depuis les années 1970, des archives en Turquie actuelle de l’époque ottomane et dans les anciennes provinces de l’Empire qui contiennent, entre autres, d’importants et divers fonds portant sur les activités liées aux fondations pieuses. Hormis la période ottomane pour laquelle nous avons la plupart de documents relatifs aux waqfs, les chartes de fondation des waqfs et d’autres genres de documentation provenant de l’ère mamelouke, safavide, etc., ainsi que des références dans des chroniques ou dans d’autres sources nous aident à mieux comprendre les rôles multiples et variés qu’ont joués les fondations pieuses auprès de toutes les strates socio-économiques.

Or jusqu’à maintenant, hormis quelques études ponctuelles et sporadiques spécifiquement centrées sur des questions de droit (par le biais notamment des ahkâm al-awqâf, des fatwâs, des qânûns, d’autres recueils, etc.) relatif au fonctionnement de waqfs , les chercheurs ne se sont pas encore réellement penchés sur des analyses approfondies concernant cette question, plus particulièrement à l’époque contemporaine pour ce qui concerne les états post-coloniaux. Ceci ni de façon ponctuelle ni de manière plus élargie afin de s’interroger sur les processus de transformation, continuité ou rupture des systèmes des fondations pieuses liés aux effets de la décolonisation.

Il est pour cette raison qu’il me semblait important, vu l’état actuel d’études sur les waqfs, d’organiser, en ce moment, ce colloque sur les fondations post-coloniales. Envisagée comme première étape d’une succession de rencontres sur les fondations post-coloniales, il est seulement sur l’appui des études empiriques, basées sur la documentation, et situer dans un cadre plus large qu’une recherche monographique, que nous allons pouvoir comprendre les nuances détaillées de la transition institutionnelle des waqfs au moment où les fondations doivent, elles aussi, s’adapter aux besoins d’une nouvelle époque, celle de la décolonisation. Ceci se passe dans des pays différents, dans des circonstances différentes et aux moments différents, principalement à partir du milieu du 20e siècle. Cette rencontre de septembre 2004 et celles qui suivront (avec ILSP, nous sommes en train de réfléchir sur les modalités d’un suivi de ce colloque) ont l’objectif d’étudier ce processus d’adaptation, spécifique à la situation de chaque pays, lié intrinsèquement à l’histoire du droit religieux et du droit de l’état, chose qui encadre l’infrastructure des fondations pieuses elles-mêmes ainsi que les opérations leur concernant. Cette recherche, surtout à l’avenir, a également le but d’étudier la composition et l’agencement légal et opérationnel se portant sur le phénomène des nouveaux waqfs en train de se construire en Europe et aux USA.

Réunissant donc une quinzaine de chercheurs spécialistes des waqfs de l’époque post-coloniale, la rencontre de septembre 2004, qui s’est déroulée en trois langues (arabe, français et anglais) a posé toute une série de questionnements autant qu’elle a présenté des recherches spécifiques à propos de la situation des waqfs contemporains dans des différents pays depuis le Maroc, l’Algérie et la Libye jusqu’à la Turquie et le Koweït en passant par la Palestine, la Syrie et le Liban – où plusieurs interventions étudiaient les waqfs chrétiens depuis la fin du Mandat français à nos jours.
Parmi les interrogations que nous nous sommes posées :
Quelles sont les ruptures définitives avec le passé quant à l’infrastructure des fondations pieuses dans ces nouveaux pays et en dehors de l’espace méditerranéen ? De quelle façon les fondations répondent-elles aux besoins de la société d’aujourd’hui ? Quels sont les enjeux actuels du point de vue juridique, économique, politique, social ? Quelles sont les raisons pour lesquelles la population fonde-t-elle des waqfs parallèles dans les sociétés musulmanes de nos jours ? Comment réagit l’état ?
Une partie du questionnement des travaux du colloque concernait le rôle des ulama travaillant pour l’état, à savoir les fonctionnaires des Ministères des Waqfs, et les modalités par lesquelles les ulama restent associés, partie prenante, du système des waqfs après la nationalisation des fondations et leur incorporation dans l’appareil étatique. Les ulama contribuent-ils simplement au processus de légitimation dans les nouvelles configurations de l’organisation des waqfs ? Comment participent-ils en tant que gardiens de la foi mais aussi comme fonctionnaires de l’état dans l’articulation des nouvelles structures post-coloniales de waqf ? A ce propos, quel est le rôle du grand mufti et de son cabinet ? Dans le cas de l’Egypte, par exemple, quel rapport entre la structure azharienne et le nouveau régime des waqfs en Egypte indépendante ? Pour les waqfs chrétiens en opération de nos jours en Egypte, au bilad al-Sham ou en Iraq, comment fonctionnent-ils à l’égard de l’état ?
Quels effets sur l’infrastructure et les usages de waqfs dans les situations de guerre et de crise, par exemple, suite à la Guerre du Golfe Iraq-Iran des années 1980 puis celle de 1990, ou vis-à-vis de la guerre menée en Iraq par les USA et ses partenaires à partir de mars 2003 ou la guerre du Liban du milieu des années 1970 jusqu’au début des années 1990. Dans ces situations de crise, quelles sont les réponses, les réactions et les implications des fondations ?
Enfin, pour les pays où s’établissent les fondations pieuses, dits les « nouveaux waqfs », depuis quelques décennies (aux USA, dans les pays européens, en Australie), là où les waqfs n’ont jamais existé auparavant, quelles formes légales prennent-ils, à savoir le modèle traditionnel avec un fondateur, des établissements de rapports qui génèrent des revenus pour les waqfs, des bénéficiaires nommés par le fondateur du waqf ou des modèles nouveaux qui vont adhérer ou s’appuyer sur les lois existants .

24 septembre 2004
La rencontre, qui a eu lieu sur deux jours et demi, a été ouverte le matin du 24 septembre par Floréal SANAGUSTIN, directeur de l’IFPO et Frank VOGEL, directeur de l’ILSP. Ensuite, l’organisatrice du colloque, Randi DEGUILHEM, chercheur au CNRS, IREMAM, a pris la parole pour présenter les objectifs des journées, exposés dans les paragraphes ci-dessus, en situant les interventions du colloque dans le courant des recherches actuelles sur le waqf. Elle a notamment souligné le fait que, malgré quelques études publiées ou en cours concernant les aspects légaux des fondations pieuses, il y a une lacune sérieuse de recherche dans ce domaine, surtout à propos des waqfs dans la période post-coloniale et l’encadrement légal des waqfs à cette époque. D’où vient la nécessité des rencontres comme celle-ci qui réunit un grand éventail de chercheurs en provenance des différents pays pour étudier la situation des waqfs contemporains dans des diverses régions afin de pouvoir commencer à comprendre l’histoire des fondations post-coloniales.
L’objectif de la rencontre, qui est envisagée comme la première de plusieurs à venir, a adopté la forme d’une table-ronde, laissant ainsi chaque intervenant le temps nécessaire pour exposer ses propos mais aussi à l’auditoire de s’exprimer pleinement.
Haytham AL-JALLOUL, rédacteur en chef de Nahj al-Islam, revue publiée par le Ministère des Waqfs, Damas, Syrie, a présenté la première communication de la séance d’ouverture des travaux, présidée par Nihad JURD, directeur du Centre des Archives Historiques de Damas et intitulée : « Nouveaux usages et continuités d’une institution ancienne au bilâd al-Shâm ». Présentant sa communication en arabe : « Le waqf en Syrie entre hier et aujourd’hui et son développement pour demain », Haytham AL-JALLOUL a tracé l’acheminement de plusieurs éléments relatifs à l’histoire des opérations du waqf en Syrie, en établissant une comparaison entre les usages traditionnels et celles utilisées aujourd’hui. Il a également exposé le développement, à l’avenir, des usages de waqf dans le pays. Parmi d’autres exemples, M. AL-JALLOUL s’est interrogé sur les modalités de l’utilisation en Syrie, dans les années à venir, des contrats à long terme, le moyen habituel a faire fructifier les propriétés immobilières et agricoles en waqf. Cette communication, qui a brossé un portrait global et normatif de la situation des waqfs en Syrie de nos jours, a été suivie par une double intervention, prononcée en français conjointement par Mohamad NOKKARI, directeur-général du Dar al-Fatwa et chef du Cabinet du Mufti de la République libanaise, Beyrouth, et Fawzi ADHAM, avocat et juge aux tribunaux de Beyrouth. M. NOKKARI a présenté la première partie de l’exposé qu’il a construit autour de l’organisation juridique des waqfs musulmans dans le Liban actuel…les waqfs chrétiens restant sous la juridiction des leurs propres communautés confessionnelles. M. NOKKARI a notamment présenté des informations au sujet du décret de la loi n° 18 de 1955 et les Règlements en vigueur à l’égard des opérations des waqfs musulmans au Liban. Pour sa part, M. ADHAM a parlé sur la compétence des tribunaux shar‘î en matière du waqf et les nouveaux waqfs constitués dans les registres des tribunaux de nos jours. Avocat auprès de ces tribunaux, il a de l’expérience de première main quant à ces questions-là. La situation, très différente d’un pays à un autre, a suscité beaucoup de questions chez les participants du colloque pendant la période de discussion qui suivait les présentations.
Après un déjeuner bien apprécié dans un restaurant local, nous avons repris les travaux sur les waqfs dans le bilad al-Sham contemporain avec la deuxième partie intitulée : « Une tradition adaptée aux nouvelles exigences ? », menée sous la présidence de M. Faysal ABDALLAH, professeur d’histoire à l’Université de Damas. Cette séance, conduite en français, a débuté avec une communication prononcée par Gédéon MOHASSEB, médecin et professeur à l’Université de St Joseph, doyen de la Faculté de Médecine à USEK, Jounieh, Liban. Or il est dans ses capacités de président du Comité des Waqfs de Mar Chalitta, couvent maronite situé dans le Kesrouan que M. MOHASSEB nous a présenté : « Le wakf du couvent maronite Mar Chalitta au Mont-Liban, fondé par la famille Mohasseb en 1628 : état des lieux de nos jours ». Appartenant à la famille fondatrice du couvent, subventionné en grande partie par un système des waqfs mixtes (mushtarak), M. MOHASSEB a montré l’importance de l’institution des waqfs non seulement chez les musulmans mais également auprès de la communauté maronite dans la création et l’entretien des sites qui, comme Mar Chalitta, englobent à la fois des instances religieuses, culturelles et sociales. Par ailleurs, cette intervention a bien exposé le fait que les waqfs chrétiens fonctionnent jusqu’à nos jours. Continuant avec l’étude des waqfs chrétiens, mais cette fois-ci chez les Orthodoxes, Mme May DAVIE, historienne à l’Université de Tours, est intervenue sur : « Une institution inadaptée aux mutations internes d’une communauté : le waqf des Orthodoxes de Beyrouth depuis 1930 au Liban actuel ». Mme DAVIE s’est appuyée sur plusieurs cas différents qui montrent la diversité en usage des waqfs chez les Orthodoxes de Beyrouth à l’époque mandataire, puis post-mandataire. Entre autres, elle a donné l’exemple de l’utilisation de cette institution comme banque d’investissement pour de nouveaux établissements et monuments, chose qui servait de lien entre les différentes composantes de la communauté autant qu’il s’agissait d’un moteur économique et social ou bien le rôle du waqf dans ses aspects sociaux comme modalité d’accéder aux rangs supérieurs de la société en tant que bienfaiteur. Ceci dit, Mme DAVIE a ensuite souligné le fait que les usages très variés de waqf chez les Orthodoxes de Beyrouth ont quasiment disparu durant et surtout après la dernière guerre, notamment avec les actions de Solidere (la compagnie chargée de la reconstruction) qui a rendu caduc les waqfs, les sociétés de bienfaisance et le majlis al-millat, tout ceci avec des graves conséquences pour l’infrastructure de la société.
Tournant vers une autre partie de la Méditerranée, la dernière séance de travail de la journée, « Réformes des waqfs à la fin du 20e siècle au Maghreb », présidée par Sabah KAADAN, professeur d’histoire à l’Université de Damas, analysait les fondations pieuses dans le nord de l’Afrique. Franz KOGELMANN, historien à l’Institut allemand d’Etudes sur le Moyen-Orient, Hambourg, Allemagne, a ouvert la séance avec une communication en anglais sur « Les habous au Maroc contemporain : tradition réformée ou réforme traditionnelle ? ». A partir d’un discours public du roi Muhammed VI du Maroc sur des réformes envisagées pour le Ministère de Waqf et des Affaires religieuses, M KOGELMANN s’est interrogé sur la véritable signification de cette réforme qui vise, d’après le discours du roi, à une restructuration complète dudit Ministère. Or, après l’indépendance au Maroc, il n’y a pas eu de changement radical dans le régime des waqfs, chose qui a eu lieu dans d’autres pays à dominance musulmane. Au Maroc, les habous ont continué à fonctionner, dans l’ensemble, selon les normes traditionnelles, mais en s’adaptant aux circonstances nouvelles. Les réformes envisagées par le roi, sont-elles, dans le fond, un moyen de renforcer le contrôle étatique sur les waqfs ? Les présentations de la journée ont terminé avec l’intervention intitulée : « Evolutions récentes de la réglementation algérienne sur le waqf à partir des années 1990 » présentée en français par Maaouia SAIDOUNI, urbaniste à l’Université d’Alger, Algérie, actuellement à l’Université de Montréal, Canada. S’interrogeant à partir de la loi 91/10 du 27 avril 1991 sur les waqfs et le décret exécutif 98/381 du 1 décembre 1998 qui établit les modalités de gestion et de préservation des biens waqfs. Semblable au cas marocain, cette législation avait, pour objectif principal, le resserrement par l’état de l’encadrement de l’institution du waqf à l’égard de la gestion, de l’exploitation, de la fructification et de l’enregistrement des propriétés waqfs publics en Algérie. Suite à une présentation détaillée des lois et des amendements, M SAIDOUNI a proposé un cadre pour réfléchir sur les enjeux possibles de cette législation et une organisation plus forte du waqf en Algérie dans les années 1990 et au début du 21e siècle.
Les travaux terminés pour la journée, les participants du colloque se sont rendus à la vieille ville de Damas pour un dîner dans un restaurant situé dans une des splendides maisons traditionnelles restaurées de la ville intra-muros comme ils l’ont fait le soir précédent.

25 septembre 2004
Le lendemain matin, le colloque a repris ses travaux sur les waqfs contemporains avec la séance menée en arabe : « Soutenir des valeurs islamiques à nos jours : exemple libyen et koweïtien (part I) », présidée par Frank VOGEL, professeur et directeur d’Islamic Legal Studies Program, Harvard Law School. Le premier intervenant, Gouma Mahmoud ZRIGI, juriste et conseil au Tribunal de Tripoli, Libye, et professeur à l’Université libyenne, a présenté : « Le système de waqf en Libye depuis la fin de l’occupation italienne à nos jours ». Brossant d’abord un portrait global de l’organisation du système des waqfs en Libye ainsi que les associations religieuses pendant l’occupation italienne, M ZRIGI a ensuite traité en détail le régime des waqfs en Libye pour la période allant de 1951 à 2004. Ce demi siècle se divise, en fait, en deux tranches : période de 1951 à 1972 pendant laquelle les waqfs étaient gérés suivant les normes de la sharî‘a ; puis, de 1972 jusqu’à nos jours, période qui commence avec la loi n° 124 promulguée en 1972 qui établit désormais le cadre d’administration des waqfs gérés suivant les normes religieuses en relation directe aux besoins sociaux. Ghanim Abdallah AL SHAHEEN, du Kuwait Awqaf Public Foundation, directeur du DRRE, Koweït, a présenté la deuxième communication de la séance : « Le waqf comme soutien des valeurs islamiques dans la société koweïtienne ». Au travers quelques exemples concrets, M AL SHAHEEN a exposé les liens entre l’institution et les revenus de waqf à l’égard du soutien de relations éducatives, culturelles, religieuses et sociales auprès de différents niveaux de la société koweïtienne, et ceci depuis le 18e siècle. Similaire à la présentation précédente, l’intervenant a fait référence à la nécessité de se référer à la documentation de première main afin de pouvoir suivre l’évolution des usages des waqfs dans la société.
Sarab ATASSI, historienne, secrétaire scientifique à l’Institut Français du Proche-Orient de Damas, Syrie, a présidé les travaux de la deuxième partie de « Soutenir des valeurs islamiques à nos jours : exemple libyen et koweïtien ». La première communication préparée par Tarak ABDALLAH, professeur d’économie à Zayed University, Dubai, UAE, intitulée : « La gestion contemporaine des awqaf : l’expérience koweïtienne » n’a pas pu être présentée car malheureusement M ABDALLAH n’a pas pu se déplacer en raison d’une mauvaise entorse de cheville quelques jours avant cette rencontre de Damas. Il participera néanmoins à la publication des travaux. Ceci étant, M Ahmad ABOLABA, juriste à Tripoli, Libye, se disposait ainsi d’une bonne tranche de temps afin de présenter son exposé sur les waqfs en Libye : « L’expérience libyenne ». Pour sa part, M ABOLABA a d’abord évoqué, en détail, les origines des différentes sortes de waqf, notamment pour ce qui concerne les pratiques de sadaqa à partir de laquelle a évolué, en effet, le waqf charitable et public. Puis, l’intervnenat a effectué un survol de la situation légale des waqfs en Libye contemporaine, notamment en exposant les différentes sortes de contrats de location des propriétés appartenant aux waqfs. Du fait que Haytham AL-JALLOUL avait également abordé cet aspect du fonctionnement opérationnel des propriétés appartenant aux fondations pieuses en Syrie, une discussion bien animée s’est ensuite poursuivie à ce sujet.
Après un déjeuner pris dans un restaurant près de l’IFPO, nous avons continué la journée du travail avec une séance dans l’après-midi présidée en français par Baudouin DUPRET, sociologue à l’Institut Français du Proche-Orient, Damas, Syrie, consacrée au thème : « Recomposer le waqf : exemples du Bilâd al-Shâm ». Randi DEGUILHEM, historienne au CNRS, IREMAM, Aix-en-Provence, France, a ouvert la séance avec un exposé sur : « Casser le triangle et le reconstituer : la reconfiguration des waqfs en Syrie indépendante et enjeux socio-politiques ». Proposant un schéma triangulaire afin de comprendre la configuration traditionnelle des waqfs, à savoir le fondateur ou la fondatrice au summum du triangle qui choisit ses propriétés qui seront établies pour générer des revenus pour les bénéficiaires choisis, eux aussi, par le fondateur – tout ceci géré par un administrateur, donnant ainsi une unité autonome. Or les enjeux socio-économiques en Syrie post-mandataire imposeront des nouvelles donnes ; en conséquence, le nouvel état syrien sous le régime de Husnî al-Za‘îm cassera ce modèle en 1949 et c’est l’état qui gère désormais l’ensemble des waqfs musulmans (les waqfs chrétiens étant toujours gérés par les différentes communautés confessionnelles). Souad SLIM, historienne à l’Université de Balamand, Liban, a ensuite présenté le deuxième exposé de la séance : « Les waqfs du Balamand : déclin et reprise après la Deuxième Guerre Mondiale ». Brossant, en premier lieu, un survol des waqfs appartenant aux communautés catholiques et orthodoxes, notamment vis-à-vis des biens se trouvant dans la montagne libanaise et au nord du pays, elle a donné plusieurs détails relatifs aux efforts de dresser un cadastre dans les années 1970 concernant les propriétés possédées par les fondations. En le faisant, Mme SLIM a établi la périodisation suivante : de 1945 à 1975, période de stagnation globale des waqfs ; 1975 au début des années 1990, soit la période de la guerre où, dans certains cas, il y a eu une reprise d’activité des waqfs ; début des 1990 à nos jours, période qui a vu une reprise des waqfs en créant des nouveaux projets telle l’Université de Balamand.
Nous avons conclu les travaux de la journée avec un cocktail offert par l’IFPO où les intervenants, les collègues et les amis se sont retrouvés pour passer ensemble une agréable soirée.

26septembre 2004
Mohamed MOHAFFEL, historien à l’Université de Damas, Syrie, a présidé la dernière séance des travaux de la rencontre, présentée en anglais, intitulé : « La politisation de waqf ». Murat CIZAKCA, historien à l’Université de Bahcesehir, Istanbul, Turquie, a ouvert la séance avec une présentation sur : « La situation actuelle de waqfs en Turquie ». Alors que les autres interventions ne touchaient guère le monde financier à l’égard des waqfs contemporains, M CIZAKCA a consacré la plupart de sa présentation à cet aspect, exposant entre autres, l’utilisation de l’ancienne institution de waqf comme moyen pour établir non seulement des banques mais aussi des entreprises et des compagnies dont les avoirs sont construit sur le modèle de waqf. Il a donné des exemples concrets provenant de la Turquie, en précisant le besoin d’étudier, de façon comparative, ce nouveau développement de waqf vis-à-vis des usages semblables ailleurs dans le monde musulman. Michael DUMPER, politologue à l’Université d’Exeter, Royaume-Uni, a présenté la dernière intervention de cette rencontre de septembre sur : « Le waqf palestinien waqf et la lutte pour Jérusalem, 1967-2000 ». Insistant sur le rôle primordial du waqf dans la caractérisation architecturale des aspects musulmans de la ville de Jérusalem, M DUMPER souligne l’importance du waqf en tant qu’institution qui canalise les revenus vers cette ville, notamment pour assurer l’entretien des services religieux, éducatifs et charitables. En conséquence de ce rôle capital auprès des dynamiques de la ville, il examine l’adaptabilité du waqf, dans ses aspects sociaux et politiques, face aux pressions venant des autorités israéliennes.

Le colloque a conclu ses travaux avec une discussion générale, menée par Randi DEGUILHEM, Floréal SANAGUSTIN et Frank VOGEL, durant laquelle les participants se sont rendus compte que les interventions présentées lors de cette rencontre ont soulevé beaucoup plus d’interrogations qu’apporter des réponses définitives concernant la situation des waqfs post-coloniaux. Une des manières de comprendre, en effet, l’impact, la continuité et la rupture des fondations pieuses dans la société contemporaine musulmane mais aussi auprès des chrétiens d’Orient est d’étudier, en profondeur, l’encadrement légal des waqfs post-coloniaux dans les différents pays concernés. Seulement des études empiriques et analytiques, sur plusieurs années, nous permettront de le faire. C’est pourquoi nous prévoyons une continuation des travaux commencés ici sur le droit du waqf.

La présente rencontre fera objet d’une publication collective qui est en cours de préparation.

Pour ceux qui souhaitent rentrer en contact avec moi et/ou veulent faire partie du réseau des chercheurs travaillant sur le waqf, un réseau que nous sommes en train d’établir, veuillez envoyer vos coordonnées à Randi DEGUILHEM, historienne, chercheur CR1 habilitée, CNRS, IREMAM-MMSH, Aix-en-Provence : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ou Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.